
Face à la dissolution brutale de près de 300 partis politiques au Mali, une dizaine d’ex-dirigeants ont décidé de riposter devant la justice. Saisissant les tribunaux en tant que simples citoyens, ils contestent une mesure jugée inconstitutionnelle et entendent rallumer le débat sur l’état de droit. Entre initiative symbolique et affrontement judiciaire, la bataille pour le pluralisme politique ne fait que commencer.
Une dizaine d’anciens dirigeants politiques maliens ont décidé de porter devant la justice la dissolution des partis politiques, décidée par les autorités de transition le 13 mai 2025. Saisissant plusieurs juridictions du pays en tant que simples citoyens, ces acteurs entendent dénoncer une atteinte grave aux libertés fondamentales et à la Constitution. Cette action judiciaire inédite révèle l’ampleur des tensions entre le pouvoir en place et les défenseurs du pluralisme politique.
Une action coordonnée pour contester une décision jugée inconstitutionnelle
Le 13 mai dernier, un décret présidentiel, s’appuyant sur une loi votée par le Conseil national de transition (CNT), a officiellement dissous près de 300 partis politiques au Mali. Cette mesure radicale, qui abroge également la Charte des partis de 2005 et supprime le statut de l’opposition, a provoqué une onde de choc dans le paysage politique malien. En réaction, des figures majeures de la scène politique, dont l’ancien ministre Mountaga Tall, ont décidé de contre-attaquer.
Déposés individuellement mais de façon coordonnée, leurs recours visent à faire constater la violation de la Constitution du 22 juillet 2023, notamment des droits à l’association, à la réunion et à la participation à la vie publique. La stratégie consiste à forcer les juridictions à solliciter un avis de la Cour constitutionnelle sur la légalité de la dissolution.
Des recours multiples, un objectif politique assumé
La démarche des anciens dirigeants n’est pas uniquement juridique. Elle se veut aussi politique et pédagogique. « Nous savons que nous n’avons qu’une chance sur dix de l’emporter », confie un plaignant. « Mais nous voulons mettre les magistrats devant leurs responsabilités et alerter l’opinion publique, au Mali comme à l’international. » Des recours ont été déposés devant les six tribunaux de grande instance de Bamako ainsi qu’auprès de la section administrative de la Cour suprême. Un comité de suivi a été mis en place pour rendre compte de l’évolution des procédures et maintenir vivant le débat sur les libertés publiques. Les requérants insistent sur le fait qu’ils n’agissent pas au nom de partis, pour éviter toute sanction, mais en tant que citoyens engagés.
Plainte contre des partisans zélés de la transition
En parallèle des recours contre la dissolution des partis, une plainte pénale a été déposée contre deux membres influents du CNT, Biton Mamari Coulibaly et Moulaye Keita. Ces derniers sont accusés d’avoir diffusé des messages vocaux appelant à la violence contre les militants pro-démocratie.
Cette plainte, déposée pour « injures publiques, diffamation et menaces de mort », a été adressée au Pôle national de lutte contre la cybercriminalité, une institution jusque-là connue pour ses poursuites contre les opposants au régime. Ce revirement pourrait symboliser une tentative de rééquilibrer la scène judiciaire et de rappeler que même les partisans du pouvoir ne sont pas au-dessus des lois.