
Au Maroc, le phénomène des chiens errants prend une ampleur inquiétante, comme en témoigne la mort tragique d’une touriste suisse à Taghazout. Malgré les engagements du pays en faveur d’une gestion éthique, les attaques se multiplient, notamment à Agadir. Faute de moyens et de coordination, les refuges promis tardent à voir le jour. À l’approche de la Coupe du monde 2030, le pays fait face à des pressions internationales.
Le décès d’une touriste suisse à Taghazout, au nord d’Agadir, après avoir été mordue par un chien errant, met de nouveau en lumière un fléau qui gangrène plusieurs villes marocaines. La victime s’amusait avec l’animal avant d’être attaquée. Elle a été rapidement prise en charge par les spécialistes qui ont nettoyé la plaie, désinfecté et administré un vaccin antirabique post-exposition. Toutefois, malgré ces soins initiaux jugés suffisants, la touriste a succombé.
70 victimes de morsures en une seule journée !
Ce drame s’ajoute à une série d’attaques similaires enregistrées récemment dans la région. Une jeune fille a été mordue sur la plage et transférée d’urgence à l’hôpital Hassan II. Un vieillard, quant à lui, n’a échappé à la mort que grâce à l’intervention rapide de passants. Ces événements sont une nouvelle preuve de la gravité du phénomène des chiens errants à Agadir et ailleurs au Maroc. Le nombre d’attaques de chiens errants à Agadir atteint des sommets alarmants.
En une seule journée, les services de santé ont recensé pas moins de 70 victimes de morsures, preuve de l’ampleur du problème. Face à cette urgence, un projet de refuge pour animaux errants a été lancé. Il devait accueillir plus de 1 000 chiens et 200 chats sur un terrain de 4,5 hectares, avec un budget de 26 millions de dirhams. Mais ce projet peine toujours à se concrétiser, faute de coordination et de volonté politique.
Stérilisation en panne, euthanasie en débat
Le Maroc affirme s’opposer à l’abattage massif des chiens errants, contrairement à certaines rumeurs. En 2019, le pays s’est engagé à une méthode plus éthique : capture, stérilisation, vaccination, déparasitage, identification (boucles à l’oreille) et relâchement contrôlé des animaux. Toutefois, la mise en œuvre est laborieuse. En février dernier, Mohamed Roudani, du ministère de l’Intérieur, rappelait l’absence de campagnes d’élimination.
Sur un autre registre, l’officiel a souligné que l’abattage serait contre-productif : de nouveaux chiens réapparaîtraient rapidement sur le territoire vidé. Mais un obstacle de taille freine cette stratégie : le manque de vétérinaires volontaires pour pratiquer des stérilisations. La présidente du Sanctuaire de la faune de Tanger, Salima Kadaoui, appelle à modifier la loi pour permettre aux organisations internationales de mener des campagnes de stérilisation de masse.
Un enjeu mondial : la Coupe du monde 2030 dans le viseur
L’approche marocaine est scrutée de près, notamment en lien avec l’organisation de la Coupe du monde 2030. En janvier 2025, plusieurs ONG ont accusé le pays de vouloir éliminer jusqu’à trois millions de chiens errants avant cet événement sportif d’envergure. Ces accusations ont provoqué une vague d’indignation, notamment de la part de la célèbre primatologue Jane Goodall, qui a interpellé la FIFA en décembre 2024. Dans une lettre adressée au secrétaire général de la fédération, elle dénonçait des méthodes cruelles telles que empoisonnements, piégeages, exécutions dans des faux dispensaires, incinérations et fosses communes.
Pour faire face à la situation, le gouvernement marocain a mobilisé près de 80 millions de dirhams (environ 7,7 millions d’euros) sur cinq ans pour l’achat de véhicules, d’équipements de capture et pour améliorer la gestion des animaux errants. Une convention-cadre signée en 2019 entre plusieurs ministères et organismes, dont l’ONSSA et l’Instance nationale des vétérinaires, devait assurer la coordination des efforts. Un projet de décret lié à la loi 56.12 est aussi en cours d’élaboration pour encadrer juridiquement la lutte contre les dangers canins.
Mobilisation citoyenne contre les massacres canins
Malgré ces initiatives, l’inefficacité du système et l’absence de résultats concrets interrogent la pertinence des moyens déployés. Le problème semble s’aggraver d’année en année, avec peu d’impact visible sur le terrain. La société civile ne reste pas inactive. En février 2024, le Mouvement des Jeunes Verts à Tanger a condamné l’abattage de plus de dix chiens dans le quartier Al-Hassani. Leur pétition, approuvée par le conseil municipal, exige l’arrêt immédiat de ces pratiques et la mise en place de solutions alternatives, éthiques et durables.
Dans un communiqué, le mouvement a qualifié ces exécutions de « violation flagrante des principes démocratiques » et appelé à la destruction de toutes les substances toxiques utilisées pour tuer les chiens. Ils demandent également la mobilisation de toutes les ONG pour mettre un terme définitif à ce qu’ils qualifient de « massacres inhumains ».