Législatives au Burundi : tous les sièges pour le CNDD-FDD, rien pour l’opposition


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Le Président burundais, Evariste Ndayishimiye
Le Président burundais, Evariste Ndayishimiye

La Commission électorale du Burundi a publié, ce mercredi, les résultats des élections législatives tenu le 5 juin. Le CNDD-FDD, parti au pouvoir rafle la totalité des 100 sièges contre zéro pour l’opposition.

Le parti au pouvoir au Burundi, le Conseil national pour la défense de la démocratie – Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), a remporté la totalité des sièges à pourvoir lors des élections législatives du 5 juin 2025. Ce résultat sans appel, officialisé par la Commission électorale nationale indépendante (CENI), est dénoncé comme une « grande mascarade » par une opposition affaiblie, divisée et partiellement exclue du scrutin. Observateurs et acteurs politiques dénoncent des fraudes massives, une répression ciblée et la mort programmée de la démocratie dans un pays en proie à une profonde crise économique et sociale.

Une victoire absolue, un pluralisme annihilé

« Au niveau national, le CNDD-FDD est arrivé en tête avec 96,51% des voix exprimées », a annoncé le président de la Ceni, Prosper Ntahorwamiye, lors d’une déclaration télévisée en direct. Aucun des autres partis politiques en lice n’a franchi le seuil constitutionnel de 2 % des suffrages requis pour siéger à l’Assemblée nationale. « Au total, 100 sièges reviennent au parti CNDD-FDD », a-t-il ajouté, scellant une victoire sans partage. Le Conseil constitutionnel doit encore valider ces résultats définitifs d’ici le 20 juin.

Cette annonce marque une nouvelle étape dans la marche autoritaire dans un pays où le pluralisme politique est en net recul. L’Union pour le progrès national (UPRONA), qui a officiellement obtenu 1,38% des voix, a dénoncé « des élections truquées », affirmant que dans plusieurs circonscriptions, le parti présidentiel aurait raflé 100% des voix, sans abstention ni vote nul, une situation qualifiée d’« inédite et absurde » par son secrétaire général, Olivier Nkurunziza.

Opposition bâillonnée et accusations de fraudes

Principal parti d’opposition, le Conseil national pour la liberté (CNL) a été formellement exclu du processus électoral. Ses membres ont dénoncé, le jour même du scrutin, des « votes multiples », des « bulletins pré-remplis », ainsi que des « emprisonnements arbitraires » de ses observateurs, empêchés d’accéder aux bureaux de vote. Anicet Niyonkuru, président du Conseil des patriotes et candidat aux législatives, a lui aussi parlé d’« une grande tricherie observée partout ».

Des journalistes et des électeurs, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour des raisons de sécurité, ont également fait état de nombreuses irrégularités dans la conduite du scrutin, alimentant le sentiment généralisé de scrutin joué d’avance. « On a tué la démocratie », s’est indigné un leader de l’opposition.

Arrivé au pouvoir en juin 2020 après le décès de Pierre Nkurunziza, le Président Évariste Ndayishimiye avait suscité l’espoir d’un assouplissement du régime, après quinze années d’autoritarisme. Mais cinq ans plus tard, le constat est amer. Derrière une façade de réformes et quelques gestes d’ouverture, le régime reste solidement contrôlé par une poignée de généraux et s’appuie sur un appareil sécuritaire redouté.

Le CNL, arrivé en deuxième position lors des élections de 2020, avait déjà dénoncé une « mascarade électorale ». Il a depuis été affaibli par des décisions administratives : en 2023, le ministère de l’Intérieur a suspendu le parti, puis en 2024, Agathon Rwasa, figure de l’opposition et ancien chef rebelle, a été évincé de sa direction, remplacé par Nestor Girukwishaka, considéré comme proche du pouvoir.

Un pays à genoux économiquement

Cette victoire électorale sans opposition intervient pendant que le pays est secoué par une crise socio-économique aiguë. Le Burundi est, selon la Banque mondiale (2023), le pays le plus pauvre du monde en PIB par habitant. Environ 75 % des 12 millions de Burundais vivent sous le seuil international de pauvreté. L’inflation dépasse les 40 % par mois et le pays fait face à des pénuries chroniques – notamment de carburant – qui paralysent son économie depuis près de trois ans.

« Le mécontentement populaire est palpable. Il est renforcé par la cherté de la vie, la pénurie de denrées essentielles et l’incapacité de l’État à apporter des solutions structurelles », souligne un analyste burundais contacté par l’AFP, qui a requis l’anonymat.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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