Le Maroc saisit la Turquie : plainte contre la Nobel Tawakkol Karman pour « incitation à la violence »


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Tribunal
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Une association d’avocats marocains a déposé plainte auprès des autorités turques à l’encontre de la militante yéménite Tawakkol Karman, prix Nobel de la paix 2011, l’accusant de diffuser des contenus en ligne visant à « la violence et à la sédition » à l’égard du royaume. Selon le communiqué de l’association plaignante, ces publications, notamment sur la plateforme X (ex-Twitter), contiendraient des appels explicites à une « intifada » au Maroc, qualifiés de «rébellion» et d’«insultes au chef d’État». Le groupe considère ces messages comme tombant hors du champ de la liberté d’expression pour relever d’un «discours d’incitation directe au terrorisme ».

Démarche indépendante de toute lecture politique ?

Vivant à Istanbul depuis 2015 pour des raisons de sécurité, Tawakkol Karman est visée non seulement par l’association marocaine mais également par le parquet turc, saisi par voie diplomatique. Les autorités marocaines estiment en effet que les tweets incriminés approuvent des actes dirigés contre les symboles de l’État marocain. L’action juridique invoque la législation turque : notamment les articles 216, 312 et 314 du code pénal turc (loi 5237) relatifs à l’incitation à la haine publique, à la commission de crimes et à l’appartenance à une organisation terroriste, ainsi que l’article 340 interdisant les injures publiques à l’encontre de chefs d’État étrangers, et la loi antiterroriste 3713.

À la tête de l’association plaignante, l’avocat Mourad Elajouti précise qu’il s’agit d’une démarche  «strictement juridique », indépendante de toute lecture politique : «Cette plainte s’inscrit dans le cadre des engagements entre le Maroc et la Turquie dans la lutte contre le terrorisme, y compris via les réseaux numériques», a-t-il déclaré. Cette précision vise à désamorcer l’éventualité d’une dimension géopolitique à l’initiative.

« Tentatives de déstabilisation » du Maroc ?

L’affaire soulève plusieurs enjeux : d’abord, la question de la responsabilité pénale et diplomatique des discours prononcés par des personnalités en exil, désormais actives sur les réseaux sociaux. Ensuite, l’interaction des juridictions nationales lorsque les contenus circulent en ligne depuis un pays vers un autre. Enfin, la pression diplomatique entre deux États (le Maroc et la Turquie) dans un contexte régional sensible aux questions de souveraineté, de cyber-communication et de lutte contre l’extrémisme.

Pour le Maroc, l’affaire est aussi une expression de la préoccupation accrue face aux interventions perçues comme externes dans sa sphère publique. Certaines sources évoquent des préoccupations sur ce qu’elles qualifient de « tentatives de déstabilisation », particulièrement à travers des supports numériques. Toutefois, aucun détail n’a encore été rendu public sur les pièces du dossier transmises à Istanbul, ni sur la date éventuelle d’une audition ou d’une procédure de coopération judiciaire.

Grande figure du « Printemps arabe » au Yémen

Du côté de Tawakkol Karman, cette démarche pourrait ouvrir un nouveau front juridique alors que sa trajectoire militante est bien connue. Elle s’était imposée comme figure d’envergure du « Printemps arabe » au Yémen. Elle est aussi la première femme arabe à avoir reçu le prix Nobel de la paix. Ancienne figure de la presse libre et des mobilisations de jeunes, elle est aujourd’hui basée à Istanbul, ville qui abrite de nombreux médias arabes en exil.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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