
D’importantes disparités de qualité entre les tomates produites en France et celles importées d’Espagne ou du Maroc. C’est ce que révèle une enquête approfondie de l’UFC-Que Choisir. Les analyses mettent en évidence une présence beaucoup plus élevée de pesticides, parfois classés cancérigènes ou perturbateurs endocriniens, dans les lots étrangers. Ces résultats relancent le débat sur les pratiques agricoles hors Union européenne, la traçabilité des produits importés et l’urgence de favoriser les circuits courts et les cultures locales.
Une enquête de l’UFC-Que Choisir jette une lumière crue sur les différences de qualité entre les tomates françaises et celles importées d’Espagne ou du Maroc. Les résultats, fondés sur des analyses officielles réalisées en 2019, 2021 et 2022, révèlent une contamination préoccupante par des résidus de pesticides sur une large part des tomates étrangères. L’association a comparé 120 tomates françaises, 21 espagnoles et 33 marocaines. Verdict : plus de la moitié des tomates marocaines et 80% des espagnoles contenaient plusieurs résidus de pesticides, contre seulement 15% pour les tomates françaises.
L’étude va encore plus loin en se concentrant sur les molécules officiellement reconnues comme dangereuses pour la santé par les autorités européennes, notamment celles classées cancérigènes ou perturbatrices endocriniennes. Dans cette catégorie, 6% des tomates conventionnelles françaises contenaient au moins une substance à risque, contre près de 40% pour les tomates espagnoles et marocaines. Un écart considérable, qui interroge sur les normes et pratiques agricoles de ces pays producteurs.
Le bio tire son épingle du jeu
Face à ces constats alarmants, un résultat rassurant ressort néanmoins : les tomates issues de l’agriculture biologique, quelle que soit leur origine, ne présentaient aucun résidu de pesticide considéré comme dangereux. Cette observation confirme l’intérêt sanitaire du bio, même si, comme le rappelle l’UFC-Que Choisir, ce label ne garantit pas tout. Les conditions de travail dans les exploitations ou la gestion de la ressource en eau restent des sujets de vigilance, notamment pour les cultures réalisées dans des régions arides.
Pour le consommateur, ce constat renforce l’idée qu’acheter des tomates bio et locales est non seulement un geste pour sa santé, mais aussi pour l’environnement. Le respect des saisons, souvent oublié au profit d’une consommation de tomates toute l’année, constitue également un levier essentiel pour réduire les importations et, par conséquent, l’empreinte carbone.
Une plainte pour fraude à l’étiquetage
Au-delà de la question sanitaire, le dossier prend une tournure judiciaire. Fin juillet 2025, la Fédération des consommateurs et usagers (CECU) et la Coordination des organisations de paysans et d’éleveurs (COAG) ont déposé une plainte administrative pour suspicion de fraude à l’étiquetage. En cause : des tomates cerises commercialisées par Carrefour et fournies par le Groupe Azura. Selon la plainte, ces tomates seraient étiquetées comme d’origine marocaine alors qu’elles proviendraient en réalité du Sahara occidental.
Cette pratique, si elle est confirmée, contrevient à la législation européenne. En octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que les produits issus du Sahara occidental doivent être clairement étiquetés comme tels et ne peuvent bénéficier des accords tarifaires conclus entre l’Union européenne et le Maroc. Les plaignants estiment qu’un tel manquement « mine la confiance » dans le système de traçabilité alimentaire européen et crée une concurrence déloyale envers les producteurs locaux.
Pour Andrés Góngora, responsable fruits et légumes à la COAG, la responsabilité incomberait directement au Groupe Azura. Bien que basé en France, celui-ci exploite plus de 400 hectares de serres au Maroc et au Sahara. Les tomates arriveraient déjà emballées avec la mention « origine Maroc », ce qui impliquerait une faute directe dans le processus d’étiquetage. Carrefour, de son côté, assure respecter les obligations en matière de traçabilité et se dit prêt à se conformer à toute nouvelle exigence réglementaire.
Les producteurs français répliquent avec la « barquette souveraine »
Face à la concurrence étrangère, les producteurs français tentent de se mobiliser. Cet été, l’Association d’organisations de producteurs nationaux (AOPn) Tomates et Concombres de France a lancé une initiative symbolique : la “barquette unique” de 250 g de tomates cerises, vendue sous la bannière du « Made in France ». L’objectif est clair : inciter les consommateurs à choisir l’origine française et redonner de la visibilité à la production locale.
Cette barquette, vendue 1,29 euro, se heurte toutefois à la concurrence des tomates marocaines, proposées à 0,99 euro. Une différence de prix difficile à combler, liée au coût de la main-d’œuvre, quatorze fois plus élevé en France qu’au Maroc. Selon Ronan Collet, de l’AOPn, la tomate cerise nécessite deux à deux fois et demie plus de main-d’œuvre que la tomate grappe classique, ce qui renchérit son prix de revient. Les producteurs accusent également la grande distribution d’appliquer des marges plus importantes sur les produits français, aggravant encore leur manque de compétitivité.
Comment limiter les risques pour la santé ?
Pour les consommateurs, l’UFC-Que Choisir recommande quelques gestes simples pour réduire l’exposition aux pesticides sans renoncer à la diversité alimentaire. Il est conseillé de privilégier les produits locaux et de saison, de varier les sources d’approvisionnement et de choisir le bio dès que possible. Laver soigneusement les légumes, les brosser ou les éplucher, notamment pour ceux à peau épaisse comme les concombres ou les pommes, permet également de réduire la présence de résidus.




