Le malaise de Mohammed VI, président d’Al-Qods et grand allié d’Israël qui défend le… Qatar


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Le roi du Maroc, Mohammed VI
Le roi du Maroc, Mohammed VI

Le roi Mohammed VI, monarque du Maroc et président du Comité Al-Qods, est aujourd’hui à la croisée des chemins. Officiellement garant de la défense des droits des Palestiniens et de la protection de Jérusalem, il incarne pourtant un paradoxe de plus en plus difficile à justifier : celui d’un chef d’État qui prétend porter la cause palestinienne tout en entretenant des relations militaires, diplomatiques et économiques étroites avec Israël, l’occupant même contre lequel cette cause s’élève.

La condamnation par Rabat de l’attaque israélienne sur le territoire qatari, qualifiée d’« odieuse », aurait pu, en d’autres circonstances, apparaître comme un geste fort. Mais dans le contexte actuel, ce geste sonne creux, presque hypocrite. Car comment un pays qui accueille à bras ouverts des navires transportant potentiellement des armes destinées à Israël peut-il, dans le même souffle, dénoncer les excès de ce même État ?

Un double jeu de plus en plus difficile à masquer

Depuis la normalisation de ses relations avec Israël en décembre 2020, dans le sillage des Accords d’Abraham orchestrés par l’administration Trump, le Maroc n’a cessé de renforcer sa coopération avec l’État hébreu. Du commerce à la cybersécurité, en passant par des accords de défense d’une ampleur inédite, Rabat s’est progressivement aligné sur Tel-Aviv. Le dernier exemple en date : l’acquisition d’un arsenal militaire israélien allant des systèmes d’artillerie ATMOS aux drones kamikazes Harop. Dans le même temps, l’opinion publique marocaine, massivement favorable à la cause palestinienne, assiste impuissante à ce revirement stratégique.

La colère gronde dans les rues de Tanger, Rabat ou Casablanca, où les manifestations contre la normalisation se multiplient, portées par des mouvements citoyens et même certaines personnalités publiques, à l’instar du footballeur Hakim Ziyech. Le roi, lui, reste silencieux. Pire encore : il choisit de consacrer son dernier discours à la question du Sahara occidental, enjeu important, certes, mais qui relègue à l’arrière-plan les souffrances de Gaza, pourtant sous le feu continu d’une armée israélienne suréquipée, parfois avec le soutien logistique d’alliés comme le Maroc.

Al-Qods : une présidence devenue incohérente

La fonction de président du Comité Al-Qods n’est pas une formalité. C’est une responsabilité politique et symbolique lourde : celle de porter la voix des Palestiniens sur la scène internationale, de défendre le statut de Jérusalem, de soutenir ceux qui résistent à l’occupation et de condamner les exactions. Or, en quoi Mohammed VI remplit-il encore cette mission ? Quel rôle joue-t-il aujourd’hui, alors que la bande de Gaza vit une famine décrétée par l’ONU, que les convois humanitaires sont bloqués, que les navires civils destinés à briser le blocus sont attaqués, parfois dans un silence assourdissant des chancelleries alliées à Israël ?

Le Maroc a-t-il condamné l’explosion suspecte sur la flottille Global Sumud au large de Tunis ? Non. A-t-il protesté après que la marine israélienne a arraisonné en pleine mer des navires civils porteurs d’aide humanitaire ? Pas davantage. Le port de Tanger-Med a même accueilli, à plusieurs reprises, des navires refusés par l’Espagne pour soupçons de livraison d’armes à Israël. Voilà où en est le royaume : facilitateur logistique d’un État en guerre contre les Palestiniens, tout en prétendant incarner leur défenseur.

Un malaise grandissant, au Maroc et au-delà

Ce double discours crée un profond malaise au sein même du Maroc. La normalisation, censée garantir un soutien américain indéfectible sur le dossier du Sahara occidental, a peut-être renforcé la position géopolitique du royaume à court terme. Mais elle a aussi sapé l’un de ses principaux leviers diplomatiques dans le monde arabe : sa légitimité historique sur la question palestinienne. La dissonance est telle que même les alliés du Maroc peuvent difficilement la justifier. Le roi continue de présider un comité dont il semble ne plus partager les fondements.

Son silence sur les exactions en cours à Gaza, son absence de position claire lors des offensives militaires israéliennes, son inertie face aux demandes internationales de cessez-le-feu font de lui un président d’Al-Qods désincarné, vidé de toute autorité morale. À l’international, cette incohérence affaiblit la voix du royaume dans les forums régionaux. Elle interroge sur la pertinence de maintenir Mohammed VI à la tête d’une instance aussi importante alors qu’il s’est volontairement lié à un État qui piétine au quotidien les droits que ce comité est censé défendre.

Une responsabilité historique : le moment du choix

Nul ne nie la complexité du positionnement marocain, pris entre ses intérêts stratégiques, sa quête de reconnaissance internationale sur le dossier du Sahara, et la pression populaire qui exige cohérence et justice pour les Palestiniens. Mais la politique ne peut pas se faire au mépris des principes fondateurs d’une institution comme le Comité Al-Qods. Mohammed VI ne peut indéfiniment jouer sur deux tableaux. Soit il réaffirme clairement, et par des actes concrets, son soutien inconditionnel à la cause palestinienne, en rompant notamment les liens militaires avec Israël, en condamnant sans ambiguïté les violations du droit international, en soutenant les initiatives humanitaires réprimées.

Soit il admet son incompatibilité avec la mission qui lui a été confiée et en tire les conséquences. L’histoire jugera sévèrement les silences complices et les alliances contre nature. Le Maroc, riche d’un peuple solidaire et engagé, mérite une politique étrangère à la hauteur de ses valeurs. Quant au roi, il doit choisir entre la posture de chef d’État pragmatique au service d’intérêts militaires et territoriaux, ou celle de président d’un comité dédié à la défense d’un peuple martyrisé. Mohammed VI ne peut pas être les deux. Le malaise est trop profond, l’ambiguïté trop visible, et les Palestiniens trop seuls.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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