
Doublement primée au Festival de Cannes 2025, cette adaptation du roman de Fatima Daas transcende les frontières pour raconter l’histoire intime et universelle d’une jeune femme franco-algérienne en quête d’elle-même. Entre banlieue parisienne et héritage maghrébin, entre foi musulmane et désirs naissants, Hafsia Herzi signe une œuvre courageuse qui redéfinit la représentation de la diaspora algérienne au cinéma français. Un film nécessaire qui prouve que l’identité plurielle n’est pas un déchirement mais une force créatrice.
Dans La Petite Dernière, son troisième long métrage sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes 2025, Hafsia Herzi raconte l’histoire de Fatima, fille cadette d’une famille d’immigrés algériens, qui grandit dans une banlieue parisienne. Ce film, doublement primé sur la Croisette, transcende le simple récit initiatique pour devenir une célébration subtile de la double culture franco-algérienne, où l’héritage maghrébin n’est jamais un fardeau mais une richesse complexe à apprivoiser.
L’Algérie comme toile de fond identitaire
La réalisatrice, elle-même d’origine algérienne par sa mère et tunisienne par son père, insuffle à son œuvre une authenticité rare dans la représentation de la diaspora algérienne. Le film dépeint avec justesse la transmission culturelle au sein des familles issues de l’immigration, où les traditions algériennes se mêlent naturellement au quotidien français.
L’héroïne Fatima, 17 ans, vit cette dualité culturelle au quotidien, évoluant entre son lycée de banlieue et une classe préparatoire parisienne huppée, confrontée au passage de frontières sociales multiples. Cette trajectoire résonne particulièrement avec l’histoire de nombreuses familles algériennes installées en France, pour qui l’éducation représente un pont vers l’émancipation tout en préservant les racines familiales.

Une représentation nuancée de la foi et de l’identité algérienne
Le film aborde avec délicatesse la question de la foi musulmane, élément central de l’identité de nombreuses familles d’origine algérienne. Hafsia Herzi évite brillamment les écueils du film à thèse pour proposer un portrait tout en nuances, où la religion n’est ni stigmatisée ni idéalisée, mais présentée comme une composante naturelle de l’univers familial.
La cinéaste a choisi délibérément de représenter un personnage encore inédit à l’écran : une jeune fille française, arabe, musulmane et lesbienne, offrant ainsi une perspective inédite sur la complexité identitaire de la jeunesse franco-algérienne contemporaine. Cette approche courageuse bouscule les représentations habituelles et offre enfin une visibilité à des parcours trop souvent occultés.
Hafsia Herzi, Marseillaise d’origine algéro-tunisienne, a grandi dans les quartiers nord de Marseille où elle avait déjà tourné son précédent film Bonne Mère en 2021. Ces territoires, véritables ponts entre les deux rives de la Méditerranée, constituent le décor naturel de récits où l’Algérie n’est jamais vraiment loin, présente dans les saveurs, les langues, les gestes du quotidien.
Une actrice révélation issue de la communauté
Nadia Melliti, qui incarne Fatima, a remporté le prix d’interprétation féminine au Festival de Cannes 2025, consécration remarquable pour une première apparition au cinéma. Sa présence remarquable lui confère une authenticité qui a frappé le jury cannois, incarnant avec justesse les tourments d’une jeune femme entre deux mondes.
Le choix de cette actrice inconnue témoigne de la volonté d’Hafsia Herzi de donner la parole à de nouveaux visages issus de la communauté franco-algérienne, loin des circuits traditionnels du cinéma français.
Le film dresse le portrait tendre de cette jeune génération de femmes tiraillées entre ce que l’on attend d’elles et ce qu’elles sont vraiment, dans un récit résolument féministe et contemporain dans son appréhension de la foi, des racines et du désir.
Cette thématique de l’émancipation féminine prend une résonance particulière dans le contexte de la communauté algérienne, où les jeunes femmes doivent souvent négocier entre les attentes familiales traditionnelles et leurs aspirations personnelles. Fatima, brillante élève qui intègre une faculté de philosophie à Paris, illustre parfaitement cette génération qui utilise l’éducation comme levier d’émancipation tout en restant attachée à ses racines.
Un cinéma de la réconciliation
Avec ouverture et générosité, Hafsia Herzi livre un portrait où l’amour et la bienveillance ne taisent ni la douleur ni l’empêchement, mais sans aucune victimisation. Cette approche fait de La Petite Dernière un film profondément humaniste qui refuse les simplifications et les oppositions binaires entre tradition et modernité, Orient et Occident, foi et désir.
On note l’influence du cinéma d’Abdellatif Kechiche, qui avait révélé Hafsia Herzi, dans cette capacité à filmer le quotidien avec authenticité et intensité. Mais la réalisatrice s’émancipe de cette influence pour proposer sa propre vision, plus apaisée et contemporaine, de l’identité franco-algérienne.
La Petite Dernière marque une étape importante dans la représentation de la communauté algérienne au cinéma français. En refusant les clichés misérabilistes comme les idéalisations nostalgiques, Hafsia Herzi propose un regard neuf et nécessaire sur une génération qui invente ses propres codes, entre héritage algérien et modernité française.
La Petite Dernière est actuellement en salles dans toute la France.



