« La Source des femmes » : d’amour et de révolution


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Biyouna et Saleh Bakri à la conférence de presse ce samedi

Hommages à l’Afrique du Nord, à travers la Tunisie et l’Egypte au Festival de Cannes, mais cette région était aussi en compétition ce samedi avec La Source des femmes de Radu Mihaileanu. Un casting maghrébin pour une révolution de femmes entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient qui fait écho au printemps arabe.

Le film de Radu Mihaileanu, présenté ce samedi en compétition au Festival de Cannes, s’inspire de l’histoire vraie de femmes turques. Dans La Source des femmes,le récit est déplacé quelque part entre l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Une terre inconnue où l’on parle le marocain dialectal. Traumatisée par l’accident d’une des leurs, enceinte, alors qu’elles allaient chercher l’eau à la source, Leila (Leila Bekhti) décide d’entraîner toutes les femmes du village dans « une grève de l’amour ». Les femmes n’accompliront plus leurs devoirs conjugaux. Objectif : forcer les hommes à effectuer la corvée d’eau, une tradition séculaire subie et qui fut fatale à de nombreuses grossesses. Pourtant, le mouvement n’est pas facile à enclencher et Leila doit s’appuyer sur Vieux Fusil, un éveilleur de conscience à qui la comédienne algérienne Biyouna prête sa verve, pour entamer ce combat. Autre allié dans cette quête d’émancipation : son mari Sami, un instituteur incarné par l’acteur palestinien Saleh Bakri.

Biyouna et Saleh Bakri à la conférence de presse ce samedi

La Source des femmes est une longue énumération des tensions générées entre les hommes et les femmes du village. Impuissante, Leila doit endurer les cris et les pleurs de la femme de son beau-frère battue chaque nuit parce qu’elle se refuse à son époux. Ou affronter l’animosité d’une belle-mère, interprétée par Hiam Abbas, hantée par son adolescence perdue et qui ne supporte pas que sa bru lui ait volé notamment son fils. Le récit, coloré par des séquences chantées, est également porté par des d’histoires secondaires comme celle de Loubna (Hafsi Herzi) secrètement amoureuse d’un homme du village voisin. Son personnage incarne le but ultime de toutes ces combattantes: la liberté. Pour étoffer une intrigue dont le propos ne souffre d’aucune confusion, Radu Mihaileanu invite dans le débat la question la virginité; une vertu dans le monde arabo-musulman, qui contraint les femmes à se reconstruire, au sens propre, une virginité quand elles ont eu une vie amoureuse avant leur mariage. En déstabilisant quelque peu son scénario, le cinéaste français dénonce aussi l’islamisme qui est présenté comme le refuge d’hommes incapables de comprendre la révolution qui se joue sous les yeux. Une révolution qui divise les jeunes et les vieux. Cette thématique trouve une résonance particulière quand on connaît la place de la jeunesse dans l’avènement du printemps arabe.

Les femmes à l’heure des révolutions

C’est avec l’appui d’hommes éclairés, par l’amour et le savoir, que viendra le salut de femmes en lutte semble affirmer Radu Mihaileanu dans La Source des femmes, co-produit par le Maroc et tourné dans les décors naturels de sa campagne. Le cinéaste a réalisé un long métrage assez consensuel qui fut une expérience humaine unique, notamment la rencontre entre le réalisateur juif français d’origine roumaine et son principal acteur palestinien. A son évocation, les deux hommes, à l’instar de la comédienne Hiam Abbas et des autres acteurs, en avait les larmes aux yeux lors de la conférence de presse cannoise.

Beaucoup de bons sentiments certes dans La Source des femmes servi par la génération montante d’actrices franco-maghrébines (Hafsia Herzi et Leila Bekhti ont obtenu le Cesar du meilleur espoir féminin), mais surtout par les femmes dont le village a servi de décor et qui ont précédé l’équipe du film sur les marches du Palais des festivals ce samedi. Néanmoins, Radu Mihailean, avec une scène culte en prime – Vieux fusil/Biyouna, sur le dos d’un âne récalcitrant à la recherche du réseau pour son mobile -, rappelle le combat permanent des femmes dans le monde arabe et en Afrique pour être tout simplement considérées comme des êtres humains. Aux avant-postes de certaines révolutions actuelles comme en Tunisie, un pays à qui Cannes a rendu hommage, à l’instar de l’Egypte « pays invité », le jury de la 64e édition du Festival de Cannes pourrait être sensible à cela et tenter de leur rendre hommage à travers le casting féminin de La Source des femmes qui n’a apparemment pas conquis les foules à Cannes.

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