La famille Obiang surfe sur la vague antifrançaise pour masquer ses propres turpitudes


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Teodorin obiang
Teodorin Obiang

Alors que le clan Obiang accumule les condamnations internationales pour pillage systématique des richesses de la Guinée équatoriale, le vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue tente une diversion en accusant la France de déstabilisation après l’attribution du prix franco-allemand des droits de l’Homme à l’opposant Alfredo Okenve. Une posture opportuniste qui contraste cruellement avec le bilan catastrophique d’une dynastie kleptocrate.

Samedi dernier, l’attribution du prix franco-allemand des droits de l’Homme à Alfredo Okenve, activiste équato-guinéen exilé en Espagne, a déclenché une offensive diplomatique du vice-président Teodoro Nguema Obiang Mangue sur le réseau social X France 24. Le fils du président à vie accuse la France de « récompenser les instigateurs de haine » et de mener une « politique de harcèlement systématique » pour déstabiliser son pays.

Cette sortie médiatique intervient opportunément alors que la famille Obiang croule sous les scandales financiers internationaux. Teodoro Nguema Obiang Mangue, surnommé « Teodorín », fait face à des poursuites judiciaires aux États-Unis, en Suisse, au Brésil, au Royaume-Uni et en Afrique du Sud pour corruption et blanchiment d’argent.

L’art de la diversion face aux scandales à répétition

Cette nouvelle tension entre les deux pays rappelle qu’en 2021, la justice française a condamné le vice-président équato-guinéen à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende pour blanchiment, abus de biens sociaux, détournement de fonds publics et corruption dans une affaire de biens mal acquis qui l’oppose à la France. Au cœur du dossier : un immeuble d’une valeur estimée à 100 millions d’euros situé avenue Foch à Paris et saisi par la France, ce qui a abouti le 12 septembre 2024 au rejet de la requête équato-guinéenne visant à empêcher la mise en vente de la propriété par la Cour internationale de justice (CIJ).

Le vice-président équato-guinéen n’hésite pas à reprendre les éléments de langage du sentiment antifrançais qui traverse le Sahel, évoquant le Mali, le Niger et le Burkina Faso comme victimes de manœuvres françaises France 24. Il ressort même du placard la « tentative de coup d’État de décembre 2017 » qu’il attribue aux agents de la DGSE française France 24, une accusation jamais étayée qui avait déjà servi à l’époque à justifier une vague de répression contre l’opposition.

Une famille prédatrice aux antipodes des valeurs sahéliennes

L’ironie est frappante quand on compare le discours souverainiste du clan Obiang avec celui de l’Alliance des États du Sahel (AES). Cette organisation créée en septembre 2023 entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso repose sur des principes de souveraineté, de solidarité active et de défense collective pour retrouver leur « souveraineté totale ».

Les dirigeants de l’AES sont « déterminés à exercer pleinement la souveraineté nationale » et « résolus à défendre l’unité nationale« . Pendant que les pays de l’AES tentent, malgré leurs moyens limités, de construire une alternative régionale basée sur la dignité et l’autonomie, la famille Obiang continue de dilapider les richesses pétrolières de la Guinée équatoriale, tandis que son pays reste l’un des plus pauvres d’Afrique malgré ses ressources pétrolières.

Alfredo Okenve, la vraie figure de la résistance équato-guinéenne

Alfred Okenve, lauréat du prix franco-allemand, est une figure emblématique de l’opposition équato-guinéenne et dirige le Centre d’études et d’initiatives pour le développement (CEID), une ONG interdite dans le pays. Son travail de dénonciation des violations des droits humains lui a valu plusieurs arrestations avant son exil en Espagne.

Okenve a dénoncé sans relâche les pratiques de corruption et les violations des droits humains en Guinée équatoriale, soulignant notamment les problèmes de transparence liés aux industries extractives.

L’hypocrisie d’un régime aux abois

L’accusation de « déstabilisation » lancée contre la France apparaît d’autant plus grotesque que le régime Obiang a lui-même été impliqué dans de nombreuses affaires de violence et de répression. En 2013, Teodorín a fait emprisonner pendant plus d’un an l’entrepreneur sud-africain Daniel Janse van Rensburg dans la prison de « Black Beach » à Malabo, ce qui lui a valu une condamnation à 2 millions d’euros par la justice sud-africaine en 2021 pour arrestation illégale et torture.

Plus récemment, en août 2024, Ruslan Obiang Nsue, fils du président et ancien directeur adjoint de la compagnie aérienne Ceiba Intercontinental, a été condamné à six ans de prison pour vente illégale d’un avion et détournement de 250 000 euros News-pravda. Un rare exemple de procès anti-corruption en Guinée équatoriale, qui montre les divisions au sein même du clan familial. De même Baltasar Ebang Engonga, neveu du président Teodoro Obiang, a été condamné à huit ans de prison pour détournement de fonds publics.

Pendant que les jeunes États de l’Alliance du Sahel tentent de construire, malgré d’immenses difficultés, un modèle de développement souverain tourné vers leurs populations, la Guinée équatoriale reste prisonnière d’une famille qui a érigé le détournement de fonds publics en système de gouvernance. L’instrumentalisation du sentiment antifrançais par le vice-président Obiang ne trompe personne : c’est le dernier refuge d’un régime kleptocrate qui tente désespérément de détourner l’attention de ses propres crimes.

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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