
L’année 2025 valorise le patrimoine algérien sur la scène internationale. Le pays s’apprête à soumettre à l’UNESCO pas moins de onze sites remarquables pour une inscription sur la prestigieuse Liste du patrimoine mondial. Cette démarche d’envergure témoigne de la richesse culturelle et naturelle d’un pays qui compte déjà sept sites reconnus par l’organisation onusienne.
Cette actualisation de la liste indicative représente, selon le ministère de la Culture et des Arts, « une étape stratégique reflétant la richesse du patrimoine algérien et sa diversité géographique, environnementale et civilisationnelle« . Elle concrétise également « la volonté politique sincère du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, de promouvoir les atouts civilisationnels et naturels de l’Algérie dans le cadre d’une vision culturelle globale et durable, réhabilitant le patrimoine en tant que levier de l’identité nationale, voire un instrument de rayonnement culturel et un moteur de développement durable« .
Un patrimoine entre Méditerranée et Sahara
La diversité des sites proposés révèle la position unique de l’Algérie, carrefour millénaire entre l’Afrique, la Méditerranée et l’Orient. Des massifs montagneux de Kabylie aux immensités sahariennes, en passant par les vestiges des civilisations antiques, cette candidature multiple dessine le portrait d’un territoire aux multiples facettes.

Parmi les sites naturels, deux parcs nationaux retiennent particulièrement l’attention. Le parc d’El Kala, dans l’extrême nord-est du pays, constitue une réserve de biosphère d’exception où se côtoient forêts méditerranéennes, lacs d’eau douce et zones humides abritant un ensemble d’oiseaux particulièrelment rare. Plus au sud, le parc national du Djurdjura déploie ses reliefs karstiques spectaculaires et ses forêts de cèdres millénaires, derniers refuges du singe magot. Au cœur du Sahara, le massif volcanique de la Tefedest, dans le parc culturel de l’Ahaggar, offre des paysages lunaires ponctués de gravures rupestres, témoignages d’un Sahara verdoyant il y a plusieurs millénaires.
L’ingéniosité humaine face aux défis du désert
Les candidatures algériennes mettent aussi en lumière des solutions architecturales et agricoles remarquables développées au fil des siècles pour s’adapter aux conditions extrêmes. Les Ighamaouen, ces forteresses-greniers collectifs du Touat-Gourara-Tidikelt, illustrent parfaitement cette ingéniosité. Ces structures fortifiées servaient non seulement au stockage des récoltes mais aussi de refuge en cas de conflit, créant un système de solidarité communautaire dans l’immensité saharienne.
Les systèmes oasiens des gorges du Rhoufi et d’Oued Labiod représentent un autre exemple d’adaptation. Nichées dans des canyons vertigineux des Aurès, ces oasis ont été façonnées par des générations d’agriculteurs qui ont su tirer parti de la moindre source d’eau pour créer des jardins luxuriants en plein désert. De même, le paysage oasien d’Oued Souf, avec ses ghouts – ces jardins creusés dans le sable pour atteindre la nappe phréatique – et son architecture unique aux mille coupoles, témoigne d’une tradition agricole et architecturale millénaire.
Les ksour de l’Atlas saharien, ces villages fortifiés berbères perchés sur des pitons rocheux, racontent quant à eux l’histoire de communautés. Leur architecture de terre, parfaitement intégrée au paysage, leurs systèmes défensifs sophistiqués et leur organisation sociale communautaire en font des témoins précieux d’un mode de vie aujourd’hui menacé.
Sur les traces des civilisations antiques
L’Algérie antique revit à travers plusieurs sites proposés. Les mausolées royaux, échelonnés du IVe siècle avant J.-C. au VIe siècle de notre ère, forment un ensemble unique en Afrique du Nord. Du Medracen, monument funéraire numide aux influences méditerranéennes, au Tombeau de la Chrétienneté près de Tipasa, ces structures monumentales témoignent de la puissance des royaumes berbères antiques et de leur capacité à dialoguer avec les grandes civilisations méditerranéennes tout en préservant leur identité.
Le patrimoine archéologique de Tébessa, l’antique Theveste, offre un condensé de trois millénaires d’histoire. Son arc de triomphe de Caracalla, parmi les mieux conservés du monde romain, ses temples, sa basilique chrétienne et son amphithéâtre racontent l’histoire d’une cité qui fut tour à tour numide, romaine, vandale et byzantine. Cette stratification historique fait de Tébessa un livre ouvert sur l’histoire de l’Afrique du Nord antique.
Les itinéraires augustiniens constituent une proposition originale qui met en valeur le patrimoine spirituel de l’Algérie. Saint Augustin, né à Thagaste (actuelle Souk Ahras) en 354, reste l’une des figures majeures de la pensée occidentale. Les sites liés à sa vie et à son œuvre – de sa ville natale à Hippone (Annaba) où il fut évêque – forment un parcours de pèlerinage culturel unique en Afrique.
La ville de Nedroma et la région des Trara, dans l’ouest algérien, incarnent la synthèse entre influences andalouses et traditions berbères locales. Surnommée « la perle des Trara« , Nedroma a conservé intact son tissu urbain médiéval, ses mosquées aux minarets élancés et ses maisons traditionnelles aux patios ombragés. Cette architecture raffinée, héritée des musulmans d’Andalousie, s’harmonise avec les paysages montagneux spectaculaires des Trara.
Un patrimoine déjà largement reconnu

Ces onze nouvelles candidatures viennent s’ajouter à un patrimoine déjà consacré par l’UNESCO. L’Algérie compte actuellement sept sites inscrits au patrimoine mondial, témoignant de la reconnaissance internationale de ses richesses culturelles et naturelles. La Casbah d’Alger, médina historique unique surplombant la baie, côtoie les sites antiques de Tipasa, Djémila et Timgad, véritables musées à ciel ouvert de l’urbanisme romain.
La Kalâa des Béni Hammad évoque la splendeur des dynasties musulmanes médiévales, tandis que la Vallée du M’Zab fascine par son architecture mozabite parfaitement préservée. Le Tassili n’Ajjer, site mixte culturel et naturel, abrite la plus importante concentration d’art rupestre préhistorique au monde.
Enfin, au-delà des sites physiques, l’Algérie peut s’enorgueillir d’un patrimoine immatériel vivant reconnu par l’UNESCO. Le Raï, genre musical né à Oran et Sidi Bel Abbès, a conquis le monde. Le couscous, plat emblématique partagé avec les pays du Maghreb, l’Ahellil du Gourara, poésie chantée du Sahara, ou encore l’imzad, musique des femmes touarègues, témoignent de la vitalité des traditions culturelles algériennes.
Les défis de la candidature
Chaque site devra faire l’objet d’un plan de gestion détaillé, garantissant sa protection tout en permettant son accès au public dans le respect de son intégrité. Le ministère de la Culture et des Arts souligne que cette mise à jour « représente un acquis culturel important qui vient couronner un effort scientifique et technique complémentaire mené par le Comité scientifique national« . La méthodologie adoptée, sous la supervision d’experts algériens, a permis l’élaboration d’une « liste équilibrée conformément aux principes directeurs de la Convention de 1972 concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel« .
Par ailleurs, pour la première fois, cette actualisation se distingue par l’introduction de deux sites naturels, fruit d’une coordination entre les ministères de la Culture et de l’Agriculture.
Si ces candidatures aboutissent, l’Algérie comptera dix-huit sites au patrimoine mondial, la positionnant parmi les pays les plus riches en sites UNESCO du continent africain et du monde arabe. Cette reconnaissance internationale contribuera au développement d’un tourisme culturel et naturel de qualité, créateur d’emplois et vecteur de développement local, tout en sensibilisant les Algériens eux-mêmes à la valeur de leur patrimoine.