
Le courrier d’Emmanuel Macron du 6 août 2025, suspendant l’accord de 2013 sur les exemptions de visa pour les officiels algériens, pourrait passer pour une nouvelle brouille. Pourtant, entre les lignes, le président français tend la main à Abdelmadjid Tebboune : redéfinir, plutôt que rompre, un partenariat qui ne demande qu’à se réinventer.
Dans un courrier sur les relations migratoires avec l’Algerie, envoyé a son Premier ministre François Bayrou, le chef de l’État français insiste sur la « capacité d’agir ensemble » des deux pays et fixe un cadre précis : laisser-passer consulaires, réadmissions effectives, renforcement des effectifs diplomatiques. Pour Tebboune, la lettre sonne comme une invitation à codifier la gestion des flux dans le respect des souverainetés. Alger peut ainsi inscrire des indicateurs partagés dans un calendrier conjoint. Ce courrier est dans la continuité du approchement initié par les deux chefs d’état au moment de l’Aïd.
Sur le terrain économique, le président algérien vient d’annoncer un plan d’investissement de 50 milliards de dollars pour moderniser les infrastructures gazières et accélérer la transition vers le renouvelable. La France, premier investisseur étranger hors hydrocarbures, y voit l’occasion de consolider ses positions dans l’hydrogène vert, le numérique ou l’agro-industrie à haute valeur ajoutée.
Le poids de l’Algérie au Sahel dans la gestion migratoire
Dans le même temps, Alger se pose en médiatrice régionale, proposant des initiatives de stabilisation au Sahel. Cette diplomatie de conciliation donne du poids à son plaidoyer pour un traitement global des questions sécuritaires : contrôle des frontières, lutte contre les réseaux criminels, aide au développement des pays d’origine.
Macron parle de « fermeté » ; Tebboune peut lui opposer la constance d’une coopération « exigeante, sérieuse et productive ». En articulant ambition énergétique, influence diplomatique et dialogue migratoire équilibré, l’Algérie passe du statut d’« objet de crispation » à celui de partenaire incontournable. Mais plus globalement dans le courrier, Emmanuel Macron redonne la main a son ministre des Affaires étrangères, Jean Noël Barrot, une façon de la retirer au remuant ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.
Enfin, Emmanuel Macron rappelle dans sa lettre que « nous avons […] doublé nos éloignements de 1 610 en 2017 à 3 000 en 2024 », preuve tangible que, malgré les différends, les mécanismes de réadmission ont continué de produire des résultats concrets et mesurables. Ce rappel chiffré confirme que la coopération migratoire peut fonctionner efficacementet même en periode de tension. Etles chiffres sont même meilleurs que ceux des voisins du Maroc et debla Tunisie, ce qui offre une base solide pour relancer un dialogue plus ambitieux entre Paris et Alger.
Contre toute attente, l’année 2025 pourrait bien marquer le début d’un nouveau chapitre franco-algérien où chaque partie trouve, dans les exigences de l’autre, le terreau d’un progrès partagé.