
Le Président gambien Adama Barrow a annoncé, le 14 mai 2025, une série de mesures visant à encadrer plus strictement la gestion des biens confisqués à Yahya Jammeh, ancien dirigeant autoritaire du pays. Cette déclaration intervient après la publication de documents officiels révélant la vente de biens saisis, effectuée avant même la fin des travaux de la Commission Jammeh, chargée d’enquêter sur les crimes économiques du régime précédent.
La réunion d’urgence du Cabinet, convoquée la veille, a mis en lumière la nécessité de renforcer la transparence et la responsabilité dans la gestion de ces actifs, qui incluent des véhicules, du matériel agricole, des propriétés résidentielles et des équipements industriels. Dans son allocution, le Président Barrow a reconnu des irrégularités survenues pendant le mandat de la commission, créée sous son gouvernement pour faire la lumière sur les détournements et violations perpétrés par le régime de Jammeh.
Task Force ministérielle dédiée à la vente légale des biens confisqués
Pour remédier à cette situation, Barrow a rappelé la création en 2019 d’une Task Force ministérielle dédiée à la vente légale des biens confisqués, tout en annonçant un renforcement des contrôles sur ses activités. Plutôt que de créer une nouvelle commission d’enquête, il s’est dit favorable à laisser l’Assemblée nationale et le Bureau national de l’audit finaliser leurs investigations, dont les résultats seront rendus publics. Il a réitéré son engagement à appliquer les recommandations issues de ces rapports pour sanctionner les auteurs d’éventuelles fautes ou négligences.
En parallèle, l’ex-Président Yahya Jammeh, en exil en Guinée équatoriale depuis 2017, continue de faire parler de lui. Dans un message audio récent, il a affirmé reprendre le contrôle de son parti, l’APRC (Alliance pour la réorientation et la construction patriotiques), laissant entrevoir son intention de revenir sur la scène politique. Bien qu’il ne parle pas explicitement d’un retour au pouvoir, son ton défiant inquiète les partisans de Barrow, qui craignent une tentative de réhabilitation politique de l’ancien dictateur.
Jammeh objet de poursuites judiciaires internationales
Le régime de Jammeh (1994-2017) a été marqué par des violations graves des droits humains, des exécutions extrajudiciaires, la répression de la presse et de l’opposition, ainsi qu’une gouvernance autoritaire. Depuis son exil, il fait l’objet de poursuites judiciaires internationales. En décembre 2022, la CEDEAO a approuvé la création d’un tribunal spécial pour juger les crimes commis sous son régime, une initiative soutenue par des organisations de défense des droits de l’homme.
Dans ce contexte, des premiers jugements commencent à tomber. En novembre 2023, Bai Lowe, un ancien membre des « Junglers », escadron de la mort de Jammeh, a été condamné à la prison à perpétuité par un tribunal en Allemagne pour crimes contre l’humanité, meurtres et tentatives de meurtres. Lowe était notamment impliqué dans l’assassinat du journaliste Deyda Hydara en 2004, la tentative de meurtre de l’avocat Ousman Sillah, et d’autres exécutions ciblées. Malgré ses dénégations, ses aveux passés ont été jugés crédibles.
Barrow face à des tensions politiques croissantes
Les proches des victimes, tout en saluant cette première condamnation, réclament davantage de procès. L’objectif reste de voir Yahya Jammeh lui-même traduit en justice, aux côtés d’autres collaborateurs impliqués. Deux autres personnalités de son régime, Ousman Sonko (ancien ministre gambien de l’Intérieur, poursuivi en Suisse) et Michael San Correa (ex-Jungler, arrêté aux États-Unis), sont également dans le viseur de la justice internationale.
Le gouvernement Barrow, malgré des efforts notables en matière de réformes démocratiques et de réconciliation, fait face à des tensions politiques croissantes. En 2020 déjà, des appels à un retour de Jammeh avaient provoqué des manifestations, tandis que le ministre de la Justice, Abubacarr Tambadou, affirmait que tout retour de l’ex-Président entraînerait immédiatement son arrestation.