
Le procès de l’ancien ministre de la Justice congolais, Constant Mutamba, s’est poursuivi ce mercredi. Avec des rebondissements.
Le procès de l’ancien ministre de la Justice de la RDC, Constant Mutamba, connaît de nouveaux rebondissements. Poursuivi pour le détournement présumé de 19 millions de dollars américains destinés à la construction d’une prison à Kisangani, l’ex-ministre a officiellement récusé, mardi 5 août, deux juges de la Cour de cassation, les accusant de partialité.
Deux juges récusés se déportent volontairement
Dans une correspondance adressée au greffier en chef de la Cour, Constant Mutamba a invoqué deux motifs principaux :
- Une inimitié personnelle : selon lui, certains magistrats, dont les deux juges visés, auraient saboté ses réformes à la tête du ministère de la Justice et chercheraient désormais à obtenir sa condamnation.
- Des irrégularités dans l’instruction : il dénonce notamment le rejet systématique de ses exceptions (notamment l’exception d’inconstitutionnalité) et un déséquilibre dans le temps de parole accordé entre le ministère public et la défense. Il affirme également avoir été menacé par l’un des magistrats.
Lors de l’audience de ce mercredi 6 août, le juge président a annoncé que les deux magistrats concernés avaient décidé de se déporter volontairement. Justin Kibamba Moket a écrit : « Je n’ai aucun intérêt à m’accrocher dans ce dossier […] je préfère me déporter par élégance ». Quant à Thomas Otshudi, il a déclaré verbalement : « Je le fais par honneur et par dignité […] pour que la justice conserve son visage : celui du droit et non celui des hommes ».
Le ministère public a pris acte de cette décision, estimant que la procédure de récusation n’avait désormais « plus d’objet ». La Cour de cassation a mis l’affaire en délibéré pour statuer sur les suites procédurales.
Auditions des témoins : personnalités de premier plan à la barre
L’audience de ce jour était également consacrée aux auditions de plusieurs témoins et renseignants. Parmi eux, Rose Mutombo, ancienne ministre de la Justice, qui a détaillé la répartition des fonds issus de la réparation de 65 millions USD payés par l’Ouganda, expliquant que la majorité avait été versée au Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO), une structure créée pour indemniser les victimes congolaises des exactions attribuées à l’armée ougandaise dans l’est de la RDC, avant son arrivée au ministère. Elle a également évoqué d’autres projets de construction de prisons, comme celui de Sake (Nord-Kivu), suspendu en raison du conflit avec la rébellion M23/AFC.
Un autre témoin de taille entendu, Amisi Herady, directeur général du Guichet unique de création d’entreprises, a éclairé la Cour sur la structure juridique de la société Zion Construction, impliquée dans le projet de prison, en précisant l’identité des associés et la cession de leurs parts. De même, Gérard Bolema Kombozi, chef de division de la Justice dans la Tshopo, a confirmé avoir visité le site retenu pour la prison sur la route de l’aéroport de Bangboka, à 11 km de Kisangani, en compagnie d’ingénieurs.
D’autres témoins, dont la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, sont également attendus pour être entendus. La défense continue de dénoncer le refus de certains témoins clés de comparaître, dont Alder Kisula Betika, secrétaire exécutif de la Cellule nationale de renseignement financier (CENAREF).