Procès Constant Mutamba : témoins absents, tensions accrues autour de l’audition reportée à la Cour de cassation


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Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice
Constant Mutamba, ministre congolais de la Justice

La tension est montée d’un cran ce lundi devant la Cour de cassation de Kinshasa, lors de la reprise du procès de l’ancien ministre de la Justice, Constant Mutamba, poursuivi pour détournement présumé de 19 millions de dollars destinés à la construction de la prison centrale de Kisangani.

Cette nouvelle audience, qui devait marquer une étape clé dans le procès avec l’audition des témoins, a finalement tourné court. Plusieurs personnalités clés citées par la défense n’étaient pas présentes, alimentant les critiques sur le déséquilibre présumé du traitement des parties.

Une audience tronquée par l’absence des témoins de la défense

Selon les constats faits au cours de l’audience, seule une poignée de témoins avaient effectivement été cités par le greffier, à savoir le chef de division provinciale du ministère de la Justice de la Tshopo et le chef du département de génie civil de l’Université de Kinshasa (Unikin). Les autres témoins, pourtant dûment demandés par la défense, n’ont pas été convoqués à temps, invoquant des délais trop courts pour recevoir leur citation.

La défense a vivement protesté contre ce déséquilibre, dénonçant un traitement inéquitable entre les témoins du ministère public — présents dans la salle d’audience — et ceux de la défense, dont la comparution n’a pas été organisée. Elle a demandé un renvoi pour permettre l’audition conjointe de tous les témoins, demande qui a finalement été accordée par la Cour.

Des témoins de haut rang cités par Constant Mutamba

Parmi les personnalités que Constant Mutamba souhaite voir comparaître figurent de hauts responsables de l’administration actuelle et passée : la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, l’ancien inspecteur général des finances Jules Alingete, l’ex-ministre de la Justice Rose Mutombo, ou encore le secrétaire de la Cellule nationale de renseignement financier (CENAREF), le magistrat Alder Kisula Betika.

Ce dernier, dans une lettre lue à l’audience, a justifié sa non-comparution par des raisons légales. En sa qualité de secrétaire du CENAREF, il a rappelé que la loi lui interdit de témoigner sur des faits liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme qu’il a eu à connaître dans l’exercice de ses fonctions. Ayant mené des investigations dans le dossier, il estime être dans l’impossibilité légale de témoigner devant la Cour.

Un procès à forte charge politique ?

Depuis son ouverture, le procès de Constant Mutamba suscite de nombreuses interrogations sur son caractère potentiellement politique. L’affaire concerne le détournement supposé de fonds publics alloués au chantier de la prison de Kisangani, un projet stratégique censé désengorger les centres carcéraux du nord-est du pays.

D’après le ministère public, Constant Mutamba aurait ordonné le décaissement de 19 millions de dollars dans le cadre de marchés publics entachés d’irrégularités. Mais pour la défense, ce procès serait avant tout une « mise en scène » destinée à écarter un acteur politique gênant. Lors de l’audience précédente, l’ancien ministre avait rejeté en bloc les accusations, déclarant devant les juges : « Peut-on détourner de l’argent qu’on n’a jamais touché ? »

La suite : vers une confrontation des témoignages ?

La Cour de cassation a décidé de reporter l’audience pour permettre la comparution de l’ensemble des témoins. Elle a cependant tenu à entendre un expert pour éclairer les juges sur la procédure de passation des marchés publics en RDC. Cette audition, à la fois technique et juridique, pourrait se révéler cruciale pour apprécier la chaîne de responsabilité dans l’exécution du projet carcéral.

En attendant la nouvelle date d’audience, les regards restent tournés vers la justice congolaise, sommée de garantir un procès équitable dans un climat politique lourd de suspicion.

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Par Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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