“On m’a promis un job” : quand des Africains se retrouvent enrôlés de force dans l’armée russe


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Soldats africains envoyés en Ukraine par la Russie
Soldats africains envoyés en Ukraine par la Russie

Le rapatriement annoncé hier, 17 décembre, par le Kenya de 18 ressortissants, recrutés puis piégés dans la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, remet en lumière un phénomène inquiétant : l’enrôlement sous contrainte, de migrants et d’étudiants africains en Russie. Derrière les récits de “contrats” signés sans comprendre, se dessine une mécanique de vulnérabilités exploitées, précarité, visas, isolement, et une diplomatie africaine sommée de protéger ses citoyens à des milliers de kilomètres.

De Nairobi à Moscou : des promesses de travail aux “distress calls”

Dans sa communication officielle, le gouvernement kényan explique avoir identifié puis ramené au pays 18 citoyens “en détresse” depuis la Fédération de Russie, après des appels au secours et un suivi consulaire mené via l’ambassade à Moscou. Les personnes concernées auraient été “recrutées” dans le cadre des opérations militaires russes et se seraient retrouvées bloquées, parfois blessées ou déployées, loin de la trajectoire initiale qui leur avait été vendue. Les autorités évoquent aussi un accompagnement psychologique à l’arrivée, signe de la violence des expériences traversées.

Le cas kényan n’est pas isolé. Depuis 2022, plusieurs enquêtes médiatiques et organisations ont documenté un élargissement des canaux de recrutement de la Russie, touchant des étrangers vivant sur son sol : migrants, travailleurs précaires, étudiants, parfois menacés de sanctions administratives (expulsion, perte de papiers) ou attirés par des promesses financières et des régularisations rapides. Un reportage international a notamment décrit comment des Africains pouvaient être envoyés en première ligne tandis que les unités russes restaient davantage en retrait, alimentant le sentiment d’être utilisés comme “chair à canon.

Les ressorts d’un enrôlement “gris” : contrainte, opacité, dépendance

Le point commun de nombreux témoignages n’est pas toujours l’enlèvement au sens strict, mais une zone grise où la contrainte se niche dans la dépendance. Quand on vit à l’étranger, sans réseau, avec un visa fragile et peu de ressources, une offre de travail peut devenir un piège. Certains expliquent avoir signé des documents en russe, sans traduction fiable, ou s’être vu confisquer passeport et téléphone, rendant toute marche arrière quasi impossible. D’autres racontent l’escalade : d’un “job” logistique à une base, puis l’intégration à des unités combattantes, sous pression hiérarchique.

Au-delà des drames individuels, l’enjeu est politique : ces affaires interrogent la responsabilité de l’État russe, l’activité de réseaux d’intermédiaires, et la capacité des États africains à prévenir les filières (information des candidats au départ, contrôle des agences de placement, coopération consulaire). Le Kenya affirme, lui, disposer d’éléments suggérant que plus de 200 Kényans auraient été recrutés depuis le début du conflit. Un chiffre qui, s’il se confirme, placerait la question au rang des urgences de protection des diasporas.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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