Jugé en Allemagne, un des sbires de Yahya Jammeh écope de la prison à vie


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Yahya Jammeh
Yahya Jammeh, ancien Président de la Gambie

En Allemagne, le tribunal de Celle a condamné, ce jeudi, Bai Lowe, un des membres des escadrons de la mort de Yahya Jammeh, à la prison à perpétuité. Il devient ainsi le premier élément du régime Jammeh jugé pour ses crimes.

Bai Lowe, un ancien membre des escadrons de la mort de l’ancien dictateur gambien, Yahya Jammeh, jugé en Allemagne, a été condamné à la prison à perpétuité, ce jeudi. C’est le tribunal de Celle, dans le Nord de l’Allemagne qui a rendu ce verdict. Un verdict fondé sur plusieurs chefs d’accusation.

Une série d’accusations

Bai Lowe est, en effet, accusé de crimes contre l’humanité, meurtres et tentatives de meurtres, entre 2003 et 2006, dans son pays, la Gambie, alors dirigée par le dictateur Yahya Jammeh. Il était, en effet, le conducteur des « Junglers », une unité de l’armée gambienne dont la mission consistait à faire taire toutes les voix dissidentes dans le pays. De façon concrète, Bai Lowe devait répondre de l’assassinat par balles, le 16 décembre 2004, du journaliste Deyda Hydara, dont il avait conduit les tueurs. La victime était cofondateur du journal The Point et également le correspondant en Gambie de l’AFP et de Reporters sans frontières (RSF). Il était aussi retenu contre le sbire de Yahya Jammeh une accusation de complicité dans la tentative d’assassinat, en décembre 2003, de l’avocat Ousman Sillah reconnu pour ses prises de position contre le Président Yahya Jammeh à l’époque.

La troisième accusation pesant contre l’ancien membre des « Junglers » est son implication dans l’assassinat, en 2006, de Dawda Nyassi, un citoyen gambien allé combattre dans la guerre civile du Liberia, mais qui, à son retour en Gambie aurait été soupçonné par Yahya Jammeh de vouloir le renverser. À tout ceci s’ajoutent les tentatives de meurtre contre Ida Jagne et Nian Sarang Jobe, qui travaillaient pour le journal cofondé par Deyda Hydara.

Les dénégations systématiques de Bai Lowe n’ont point convaincu le tribunal. Il a même remis en cause une interview radiophonique qu’il avait accordée en 2013 – alors qu’il était déjà en exil en Allemagne depuis 2012 – et dans laquelle il avait expliqué avec détails les crimes auxquels il avait participé. Bai Lowe dira par la suite qu’il avait menti dans cette interview dans le seul but de montrer à ses compatriotes la cruauté du régime de Yahya Jammeh. Personne au tribunal n’a pris au sérieux ces propos. D’ailleurs, Baba Hydara, fils de Deyda Hydara, présent au procès s’est dit « déçu, insulté et trahi par la déclaration de Bai Lowe qui trahit le bon sens ».

Les proches des victimes attendent d’autres procès

Dans le camp des proches des victimes du régime Jammeh, le jugement de Celle est une grande première qu’ils saluent, tout en souhaitant plus. Pour eux, la justice ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. « Le long bras de la justice a rattrapé Bai Lowe en Allemagne, comme il rattrape déjà des hommes de main de Yahya Jammeh partout dans le monde et rattrapera aussi je l’espère Jammeh lui-même », a déclaré Reed Brody, un avocat de la Commission internationale de juristes travaillant avec les victimes. « Le verdict d’aujourd’hui, poursuit-il, est un petit pas sur la voie d’une justice complète pour les crimes du régime de Yahya Jammeh ».

Désormais, tous les regards sont tournés vers l’ex-dictateur qui vit en Guinée équatoriale et que les victimes souhaitent ardemment voir répondre de ses actes. Mais, pas que lui. Tous ses collaborateurs qui ont trempé dans des horreurs doivent être châtiés. On sait déjà que deux sont sur la liste des personnes interpellées. Il s’agit de son ancien ministre de l’Intérieur, Ousman Sonko, poursuivi en Suisse et de l’ex-élément des « Junglers », Michael San Correa, interpellé aux États-Unis.

« Ça fait presque vingt ans qu’on a commencé cette lutte pour avoir une justice. On sait que le commanditaire des tueurs de mon père, c’était Jammeh, qui, on l’espère, finira bientôt devant un tribunal », confie Baba Hydara. Même si le régime de l’actuel Président gambien, Adama Barrow, a annoncé, en février dernier, son intention de mettre en place un tribunal en vue du jugement des crimes perpétrés par son prédécesseur, il est évident que la tâche ne sera pas facile.

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Historien, Journaliste, spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne
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