
En Algérie, deux affaires judiciaires d’envergure révèlent l’ampleur des pratiques frauduleuses qui gangrènent le pays : un réseau de faux visas démantelé à Béjaïa et un système de transfert illicite de devises orchestré par deux frères entrepreneurs. Ces dossiers illustrent les stratégies sophistiquées déployées pour contourner la loi, tout en mettant en lumière la fermeté nouvelle des autorités.
En Algérie, la justice a récemment statué sur une affaire majeure de fabrication de faux visas, principalement destinés à la France et à l’Espagne. Ce réseau opérant sous couvert d’une agence de voyages à Béjaïa permettait à des citoyens d’émigrer illégalement grâce à des documents falsifiés. Le tribunal de Dar El Beïda a infligé jusqu’à six ans de prison ferme aux principaux accusés et des amendes allant jusqu’à 200 000 dinars.
Une enquête déclenchée à l’aéroport d’Alger
Six personnes ont été reconnues coupables de fabrication de faux visas : B. Ismaïl, B. Zohir, T. Chouaïb, H. Aboubakr, S. Kawthar et S. Zohir. Trois complices et quatre voyageurs ont été condamnés à trois ans pour usage de faux documents. Ce réseau, bien structuré, offrait ses services à prix élevé à des citoyens désireux de quitter le pays clandestinement. L’affaire a éclaté le 19 juin 2024 lorsque M. Juba a été arrêté à l’aéroport Houari Boumédiène. Il tentait de se rendre à Barcelone avec un passeport comportant un faux visa.
Il a avoué avoir acheté le document pour 50 millions de centimes auprès d’une agence à Béjaïa. Deux employées de cette agence, I. Sabrina et Z. Samia, ont été rapidement identifiées. Quelques jours plus tard, un autre voyageur, Ch. Yazid, a été interpellé avec un faux visa français acheté pour 80 millions de centimes. Ces deux arrestations ont permis de remonter jusqu’aux principaux membres du réseau, confirmant l’existence d’un dispositif bien organisé de falsification de visas.
Perquisitions et preuves accablantes
La police a perquisitionné les locaux de l’agence de voyages, y découvrant du matériel informatique, des téléphones et une voiture. Le téléphone de I. Sabrina a révélé des échanges avec M. Fawzi concernant la création de faux visas pour le Canada, la France et l’Espagne. Les prix variaient selon la destination, atteignant jusqu’à 220 millions de centimes. Devant la justice, I. Sabrina a d’abord minimisé son rôle.
Mais les preuves numériques ont démontré sa participation active à l’opération, notamment dans la gestion des paiements et la falsification des documents. Elle a fini par reconnaître son implication dans plusieurs dossiers de faux visas. L’enquête a mis au jour une tentative de fraude impliquant une famille de quatre personnes. Ces derniers avaient versé 50 millions de centimes pour des visas qui n’ont jamais été délivrés. Malgré le remboursement partiel, cette tentative a été retenue comme élément à charge dans le jugement.
Des citoyens floués et une justice déterminée
Les peines sévères infligées montrent la volonté des autorités de lutter contre le trafic de faux documents. Elles visent aussi à décourager les candidats à l’émigration illégale, qui, dans leur désespoir, deviennent parfois les proies de réseaux sans scrupules. Parallèlement, une autre affaire implique deux frères algériens accusés de transfert illicite de devises. W.M. Saïd et W. Hamid auraient utilisé leur entreprise, Mictotem Training Institute, pour sortir frauduleusement des devises du pays à travers de fausses factures.
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Le parquet a requis 15 ans de prison ferme et 8 millions de dinars d’amende contre chacun. Le mécanisme frauduleux reposait sur la production de contrats fictifs avec l’étranger, permettant des transferts massifs de devises sans autorisation de la Banque d’Algérie. Les deux frères sont aussi poursuivis pour blanchiment d’argent, ce qui aggrave encore leur situation judiciaire. L’enquête a démontré que les montages financiers frauduleux des deux frères ont causé des pertes importantes au Trésor public.
Un préjudice financier énorme pour l’État
L’État, via le Trésor, s’est constitué partie civile et réclame 500 milliards de dinars de dommages. Le parquet a exigé leur détention immédiate pour éviter tout risque de fuite. Cette affaire montre l’importance du contrôle des flux financiers et l’urgence de renforcer la surveillance des entreprises. Les autorités veulent faire de ce dossier un exemple pour éviter d’autres transferts clandestins de devises qui nuisent à la stabilité économique du pays.
Ce n’est pas la première fois que l’Algérie est confrontée à des réseaux de fraude similaires. En 2016, à Oran, un vaste réseau de faux visas avait été démantelé. Des employés de consulats étrangers y étaient impliqués, conduisant à des sanctions sévères et à un renforcement des procédures consulaires. Dans le domaine financier, l’affaire Khalifa, dans les années 2000, reste emblématique. Cet empire économique, construit sur des fraudes bancaires, s’était effondré, provoquant un immense scandale. Le procès avait marqué un tournant dans la régulation du secteur bancaire algérien.
Des condamnations comme message d’alerte
D’autres secteurs, comme la pharmaceutique, ont également été touchés. En 2019, des enquêtes ont révélé des surfacturations massives servant à transférer illégalement des devises à l’étranger. Ces pratiques ont un impact direct sur l’économie, les réserves de change, et ébranlent la confiance dans les institutions. Les fraudes en série révèlent un schéma récurrent : des acteurs économiques profitent de failles légales pour contourner les contrôles de l’État.
La justice algérienne est ainsi confrontée à un défi permanent, celui de rétablir la transparence et de combattre les réseaux bien installés. Les verdicts prononcés dans ces deux affaires récentes traduisent une volonté politique forte. Les autorités cherchent à dissuader toute tentative de fraude en instaurant une justice rigoureuse et des sanctions exemplaires. L’impunité n’est plus tolérée dans les affaires économiques et administratives.