France : la nomination d’un Premier ministre d’origine africaine, une hypothèse tabou ?


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Vers un Premier ministre d'origine africaine en France
Vers un Premier ministre d'origine africaine en France

Alors qu’environ 10 % de la population française est issue des diasporas africaines et que leurs représentants brillent dans le sport, la culture ou l’économie, aucun nom d’origine africaine n’apparaît dans les listes pour succéder à François Bayrou à Matignon. Un paradoxe qui interroge la représentativité au sommet de l’État.

La démission de François Bayrou, après la perte d’un vote de confiance, ouvre une nouvelle page politique. Emmanuel Macron consulte, les noms circulent — Catherine Vautrin, Sébastien Lecornu, Roland Lescure ou encore Xavier Bertrand — mais une constante demeure : aucune personnalité d’origine africaine n’est évoquée. Cette absence frappe d’autant plus que la France compte une population issue de l’immigration africaine estimée à près de 10 % de sa population totale. Une communauté diverse et dynamique, omniprésente dans la société française, mais invisible dès qu’il s’agit des plus hautes fonctions politiques.

Une représentativité qui s’arrête aux portes de Matignon

Dans le sport, l’évidence saute aux yeux : Kylian Mbappé, pére camerounais et mère algérienne, est capitaine de l’équipe de France de football et l’un des joueurs les plus influents au monde ; Victor Wembanyama d’origine congolaise incarne déjà l’avenir du basket mondial en NBA. Dans l’entreprise, plusieurs dirigeants français d’origine africaine siègent à la tête de grandes sociétés ou dans les comités exécutifs des groupes du CAC 40. Dans la culture, de nombreux artistes, écrivains et intellectuels d’origine africaine participent au rayonnement de la France.

Mais dans la sphère politique, le plafond de verre semble infranchissable. Dans la Ve République, jamais un Premier ministre d’origine africaine n’a été évoqué. Pourtant, des personnalités africaines ont émergées dès l’époque coloniale, avec Blaise Diagne, sous-secrétaire d’État aux Colonies dans les années en 1930 et 1931, qui fut aussi le premier député noir de France en 1914, ou Félix Houphouët-Boigny, ministre d’Etat avant de devenir président ivoirien, ou encore Léopold Sédar Senghor, ministre conseiller chez Michel Debré et membre éminent de la commission chargée de rédiger l’actuelle Constitution française avant de devenir Président du Sénégal. Depuis, pas d’évolution notable.

Comment expliquer un tel paradoxe ? D’abord par un parcours politique verrouillé : les postes clés passent par l’Assemblée nationale, les grandes écoles, les réseaux d’élus locaux — des filières encore largement dominées par les mêmes profils socio-culturels.

Du sport à l’entreprise, une présence visible partout sauf en politique

Ensuite par la prudence des présidents : en période de crise, le choix du Premier ministre privilégie la solidité parlementaire plutôt que l’ouverture symbolique. Enfin, par une invisibilisation médiatique : peu de figures politiques issues de la diversité parviennent à émerger au niveau national, même si elles sont bien présentes localement comme maires, députés ou conseillers régionaux.

L’absence d’un Premier ministre d’origine africaine ne relève donc pas d’un hasard, mais d’un système. Pourtant, dans un pays où la diversité est l’une des réalités les plus visibles de la vie quotidienne, la question devient pressante : quand la France se donnera-t-elle un visage à Matignon qui reflète sa propre société ? Nommer un chef de gouvernement d’origine africaine ne résoudrait pas à lui seul les fractures sociales, mais ce serait un signal fort, comparable à l’élection de Barack Obama aux États-Unis. Un geste symbolique et politique qui dirait : la République reconnaît pleinement tous ses enfants.

Audrey Azoulay
Audrey Azoulay

Aujourd’hui, pourtant une figure émerge dans le paysage politique français, celui d’une femme, d’origine marocaine, qui a fait ses preuves à tous les niveaux. Audrey Azoulay doit quitter prochainement ses fonctions de Directrice générale de l’Unesco. Un profil qui cocherait toutes les cases.

Zainab Musa
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Zainab Musa est une journaliste collaborant avec afrik.com, spécialisée dans l'actualité politique, économique et sociale du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest. À travers ses enquêtes approfondies et ses analyses percutantes, elle met en lumière des sujets sensibles tels que la corruption, les tensions géopolitiques, les enjeux environnementaux et les défis de la transition énergétique. Ses articles traitent également des évolutions sociétales et culturelles, notamment à travers des reportages sur les figures influentes du Maroc et de l’Algérie. Son approche rigoureuse et son regard critique font d’elle une voix incontournable du journalisme africain francophone.
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