Élection à la tête de la BAD : la défaite du Sénégalais Amadou Hott était prévisible, selon un spécialiste


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Amadou Hott
Amadou Hott

La défaite d’Amadou Hott à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) n’a surpris que peu d’observateurs avertis. Avec seulement 3% des voix, l’ancien ministre sénégalais n’a pas réussi à convaincre. Pour Oumar Sadiakhou, spécialiste des finances publiques, cet échec s’explique par un manque de stratégie diplomatique, face à une Mauritanie bien mieux préparée et portée par un candidat au profil solide.

Des élections fondées sur les faits

Les élections à la Banque Africaine de Développement (BAD) ont vu la participation du Sénégal, représenté par l’ancien ministre des Finances sous Macky Sall, Amadou Hott. Mais c’est avec un échec cuisant qu’il revient de cette compétition, n’ayant obtenu que 3% des voix à l’issue du troisième tour. Pour Oumar Sadiakhou, spécialiste des finances publiques, cette défaite était prévisible.

« Les élections à la BAD relèvent avant tout d’un enjeu diplomatique, mais elles sont très factuelles, contrairement à d’autres structures bancaires. Les candidatures ne peuvent se baser sur des liens régionaux, ethniques ou autres. Ce sont des élections où l’on vote sur la base des faits. Elles sont extrêmement rationnelles ».

Le manque de soutien diplomatique du Sénégal

« Malheureusement, le Sénégal n’a pas bénéficié du soutien diplomatique nécessaire. Or, pour en obtenir, il faut présenter un projet sérieux. Le candidat peut être crédible, mais si l’État qui le soutient ne propose rien de solide, cela ne pèse pas face aux actionnaires de la BAD. C’est une chose que la Mauritanie a bien comprise ».

« Dès le départ, la Mauritanie a mis en place un comité de soutien dirigé par le Premier ministre, qui a même joué le rôle de directeur de campagne pour leur candidat. C’est ainsi que plusieurs pays, habituellement proches du Sénégal – comme la Côte d’Ivoire, le Maroc ou encore le Bénin – ont choisi de soutenir la Mauritanie, allant jusqu’à retirer leurs propres candidats ».

Sidi Ould Tah, un candidat aux solides références

« Contrairement au Sénégal, la Mauritanie a su bénéficier du soutien des pays du Golfe, séduits par le profil de Sidi Ould Tah. Il a dirigé pendant dix ans, de 2015 à 2025, la Banque Arabe pour le Développement Économique en Afrique (BADEA), et a démissionné pour se porter candidat à la tête de la BAD ».

« À son arrivée à la BADEA, la banque n’était pas notée. C’est sous son mandat qu’elle a obtenu ses premières notations financières, d’abord auprès d’agences asiatiques, puis européennes et américaines. Il a également quasiment quadruplé le capital d’investissement de la banque. Son bilan dépasse largement celui d’Amadou Hott. En plus d’avoir été ministre, il a représenté la Mauritanie auprès de la Banque mondiale ».

Les faiblesses d’Amadou Hott

« Amadou Hott a validé les chiffres économiques annoncés par le nouveau gouvernement sénégalais. Cela a semé le doute chez les actionnaires. Si lui, ancien ministre de l’Économie durant une période de manipulation supposée des chiffres, ne conteste pas ces données, sa crédibilité pour diriger une institution comme la BAD, reconnue mondialement pour son sérieux, est remise en question ».

« À l’opposé, Sidi Ould Tah est un homme capable de faire noter une banque sur deux continents, de quadrupler son capital, et de dialoguer aussi bien avec la Banque mondiale et le FMI qu’avec une PME à Dakar ou à Bamako. Il a une vision transversale, de la souplesse et une grande résilience ».

Une vision différente du leadership

« Ce qui distingue Sidi Ould Tah, c’est cette capacité d’adaptation. Amadou Hott, quant à lui, est trop administratif, trop ingénieur, trop technique. Ce n’est pas ce que la BAD recherche en ce moment. Les cinq prochaines années s’annoncent décisives ».

Et Sadiakhou de conclure : « Je pense que c’est à partir d’aujourd’hui que les vrais défis vont commencer pour Sidi Ould Tah. Et je ne parle pas de problèmes au sens négatif, mais bien d’un immense chantier. Il a le profil, les compétences et le programme pour y faire face. Les défis qui attendent la BAD sont tout simplement immenses ».

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