Crise dans les universités sénégalaises : violents affrontements à l’UCAD et colère estudiantine en hausse


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Université Cheikh Anta Diop de Dakar
Université Cheikh Anta Diop de Dakar

La tension ne cesse de monter dans l’enseignement supérieur sénégalais. Les campus publics sont plongés dans une crise qui s’étend de jour en jour. Retards de bourses, conditions de vie dégradées et dialogue au point mort nourrissent un profond malaise au sein de la communauté universitaire. Les mobilisations, désormais visibles dans plusieurs régions, mettent à nu l’ampleur du désaccord entre étudiants et autorités.

A Dakar,

Lundi 1er décembre 2025, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) a de nouveau été le théâtre d’intenses affrontements entre étudiants et forces de l’ordre. Une situation explosive qui s’inscrit dans un mouvement de contestation nationale autour du paiement des bourses et des conditions de vie dans les campus publics. Alors que le climat se détériore de jour en jour, parents, autorités universitaires et organisations estudiantines multiplient les prises de position, sans qu’une solution ne se dessine.

UCAD : plusieurs blessés et un service médical débordé

Selon plusieurs témoignages concordants, les heurts qui ont éclaté tôt dans la matinée ont rapidement paralysé le campus de l’UCAD. L’usage massif de gaz lacrymogènes et les jets de projectiles ont fait de nombreux blessés parmi les étudiants. Face à l’afflux de victimes, le service médical du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD) a été submergé, contraignant les équipes sanitaires à transférer plusieurs patients vers d’autres structures, dont l’hôpital Général Idrissa Pouye de Grand-Yoff.

Malgré la violence des échanges, les organisations estudiantines assurent qu’elles ne reculeront pas tant que leurs revendications ne seront pas entendues. Les étudiants dénoncent notamment des retards prolongés dans le paiement des bourses, un sujet devenu la principale étincelle de la mobilisation.

Une communication ministérielle qui attise la colère

La sortie attendue du ministre de l’Enseignement supérieur, Dr Daouda Ngom, n’a pas apaisé les esprits. Longtemps espérée par les étudiants, son intervention publique était perçue comme une possible ouverture vers des solutions concrètes. Mais ses déclarations ont au contraire alimenté davantage de frustration, certains estimant qu’elles n’apportaient aucune garantie ni calendrier précis concernant les bourses.

Cette prise de parole jugée décevante a renforcé la détermination des étudiants, qui promettent d’intensifier la pression tant qu’aucun engagement tangible ne sera acté. Ce qui n’était au départ qu’un mouvement centré sur la capitale est désormais devenu une crise nationale.

Le mouvement de contestation s’étend à d’autres universités

À l’Université du Sine-Saloum de Fatick, les étudiants ont rejoint la mobilisation lundi matin en délogeant des élèves de plusieurs établissements pour réclamer, eux aussi, le paiement immédiat de leurs bourses. Depuis deux semaines, les campus de Kaolack, Kaffrine et Saint-Louis vivent également au rythme des mobilisations.

À l’Université El Hadj Ibrahima Niass, les revendications portent principalement sur la dégradation des conditions de vie. À Kaffrine, la manifestation du 10 novembre a viré à la violence, révélant l’exaspération d’une partie de la jeunesse universitaire. À Saint-Louis, les étudiants ont bloqué une route nationale pour faire entendre leurs revendications. Ces actions coordonnées témoignent d’une crise profonde qui traverse l’ensemble du système universitaire sénégalais.

Parents : un appel urgent à l’apaisement

Face à l’ampleur de la contestation, la Fédération nationale des associations de parents d’élèves et étudiants du Sénégal (Fenapes) a réagi dans un communiqué rendu public dimanche. L’organisation exprime sa « vive inquiétude » face à la détérioration de la situation et rappelle que la bourse représente souvent « la seule source de subsistance » pour de nombreux étudiants issus de familles modestes.

Pour la Fenapes, les retards de paiement constituent un « facteur majeur d’instabilité » et doivent être résolus dans les plus brefs délais. Elle invite le ministère de l’Enseignement supérieur à ouvrir un cadre de concertation élargi associant étudiants, parents, administration et partenaires sociaux afin d’éviter une escalade. La fédération appelle également les étudiants à privilégier des modes de protestation non violents, soulignant que toute confrontation risque de mettre en péril leur année universitaire.

UCAD : le Collectif des amicales maintient la grève

Au cœur de la contestation nationale, l’UCAD continue de jouer un rôle central dans la mobilisation. Le Collectif des amicales a annoncé hier la reconduction de sa grève, après une suspension de 72 heures qui n’a abouti à aucune avancée avec les autorités. Dans son dernier communiqué, le Collectif rejette fermement les propositions de la Direction des bourses, qualifiées « d’injustifiées et inacceptables ». Les étudiants exigent le paiement intégral des rappels avant toute reprise normale des versements mensuels. « Un acquis ne se supprime pas », martèle le Collectif, qui assure rester ferme sur ses positions tant que les engagements de l’État ne seront pas respectés.

Toutes les activités socio-pédagogiques demeurent ainsi à l’arrêt, plongeant l’université dans une paralysie totale. Au vu de l’extension de la contestation, de la radicalisation du discours et du manque de signaux forts de la part des autorités, la crise universitaire semble loin d’être résolue. Les étudiants maintiennent la pression, les parents s’inquiètent, et les campus restent sous tension. À ce stade, aucun calendrier de sortie de crise n’a été annoncé, laissant craindre une aggravation du conflit dans les jours à venir.

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Une plume qui balance entre le Sénégal et le Mali, deux voisins en Afrique de l’Ouest qui ont des liens économiques étroits
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