
La place Ficgayo de Yopougon, bastion historique de l’opposition ivoirienne, a vibré ce samedi 16 août 2025 au rythme de la tournée politique « Côcôcô » de Laurent Gbagbo. Devant plusieurs milliers de militants du PPA-CI, du PDCI-RDA et d’autres partis de l’opposition, l’ancien président de la République a livré un discours à la fois rassembleur et offensif.
Ce samedi, Laurent Gbagbo a mis un terme à sa tournée « Côcôcô » dans son fief de Yopougon. Occasion pour l’ancien Président de marteler sa vive opposition au 4e mandat d’Alassane Ouattara. Mais pas que.
« Ne le répétez plus » : Gbagbo désavoue les chants xénophobes
Dans une atmosphère surchauffée, l’ex-chef d’État a tenu à désavouer certains de ses partisans qui, lors de récentes manifestations, avaient entonné des slogans ouvertement xénophobes visant des communautés étrangères vivant en Côte d’Ivoire. « Je n’ai pas apprécié que vous chantiez que vous allez installer Gbagbo au pouvoir et que le petit Mossi retourne chez lui. Ne le répétez plus », a-t-il lancé, ferme, sous les applaudissements mêlés de surprise et d’approbation.
Ce rappel fait suite à une marche organisée à Abidjan, le 9 août, où des propos similaires avaient été entendus, suscitant l’inquiétude des autorités judiciaires. Le procureur de la République près le tribunal d’Abidjan-Plateau, Koné Braman Oumar, avait alors rappelé, le 10 août sur la NCI, que la liberté d’expression ne pouvait en aucun cas justifier « des dérives langagières » incitant à la haine raciale, tribale ou religieuse. « La fin de la récréation est sifflée », avait-il averti, annonçant que toute personne identifiée par vidéo lors de ces débordements ferait l’objet de poursuites judiciaires.
Un « non » catégorique au quatrième mandat
Au-delà de cet appel au respect et à la cohésion sociale, Laurent Gbagbo a consacré l’essentiel de son allocution à la question du quatrième mandat d’Alassane Ouattara, officiellement candidat à la Présidentielle d’octobre prochain. « Je voudrais que vous alliez lui dire qu’il ne fera pas de quatrième mandat », a martelé le leader du PPA-CI, sous une ovation de ses militants. Pour lui, la Constitution ivoirienne est claire : nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels.
« On ne dit pas : comme j’ai fait des choses, je dois rester », a-t-il insisté. Et de poursuivre : « Pourquoi quelqu’un pense-t-il qu’il peut faire quatre mandats ici en Côte d’Ivoire ? Je refuse. Notre détermination est claire et sans faille : il n’y aura pas de quatrième mandat. »
Une opposition fragilisée mais toujours debout
Laurent Gbagbo a effectué sa sortie à un moment où la tension est vive dans la perspective de l’élection qui doit se tenir le 25 octobre, soit dans deux mois environ. Les ténors de l’opposition ont été tout simplement mis hors jeu pour diverses raisons. En dehors de Laurent Gbagbo lui-même, il y a l’ancien Premier ministre et président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, les anciens ministres, Charles Blé Goudé, et Tidjane Thiam, tous déclarés inéligibles par des décisions judiciaires contestées. Malgré cela, l’ancien Président âgé de 80 ans – trois ans de moins que son rival, Alassane Ouattara – continue de se présenter comme « candidat contre le quatrième mandat » et appelle ses soutiens à la mobilisation.
Il a également exigé la libération de militants de son parti arrêtés ces dernières semaines, dont certains inculpés pour « acte terroriste » à la suite d’incidents violents à Yopougon début août.
Yopougon, bastion historique de la contestation
Le choix de Yopougon pour ce meeting n’est pas anodin. Commune la plus peuplée de Côte d’Ivoire et fief de l’opposition, elle demeure un baromètre essentiel de la mobilisation électorale. La présence de Pascal Affi N’Guessan, président du FPI, est venue renforcer l’image d’un front commun de l’opposition face à ce qu’elle considère comme une dérive autoritaire du régime Ouattara.
À moins deux mois de la Présidentielle du 25 octobre, le bras de fer autour de la légalité d’un quatrième mandat alimente les tensions politiques. Le pouvoir invoque la Constitution de 2016, qui aurait, selon le Conseil constitutionnel, « remis les compteurs à zéro ». Quant à l’opposition, elle y voit une violation flagrante du principe de limitation des mandats.
Les prochains jours promettent d’être riches en événements et peut-être même en rebondissements. Tant les positions sont tranchées de part et d’autre. Wait and see.