Côte d’Ivoire : Tidjane Thiam plébiscité, mais toujours sur la touche électorale


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Plébiscité à la tête du PDCI, Tidjane Thiam assoit son autorité mais reste confronté à une équation politique inédite : diriger sans pouvoir concourir. À moins de deux ans de la présidentielle, sa trajectoire symbolise les tensions d’un système électoral verrouillé, où la légitimité des urnes ne garantit pas l’accès au suffrage universel.

Réélu à la tête du PDCI avec 99,77 % des voix, Tidjane Thiam confirme son leadership sur le principal parti d’opposition en Côte d’Ivoire. Un plébiscite sans surprise qui scelle un retour stratégique au sein du jeu politique ivoirien. Mais cette victoire interne ne dissipe pas les incertitudes majeures qui entourent sa potentielle candidature à la présidentielle de 2025, alors qu’il reste radié des listes électorales. Une réélection qui s’inscrit davantage comme un acte politique de défi que comme une simple formalité partisane.

Une élection interne maîtrisée, dans un climat de tension judiciaire

Mercredi, à l’issue d’un congrès extraordinaire organisé dans 45 bureaux de vote à Abidjan, en région et à l’étranger, le verdict est tombé : Tidjane Thiam est réélu président du PDCI avec un score écrasant. Ce scrutin, bien qu’unilatéral avec un seul candidat en lice, s’est voulu symbolique et stratégique. Il intervient seulement deux jours après la démission surprise de Thiam, geste tactique censé couper court aux poursuites judiciaires engagées contre lui concernant sa nationalité au moment de son élection initiale en décembre 2023.

Ce retrait, à la veille d’une audience cruciale, n’a pas freiné les ardeurs militantes. Sous les applaudissements, le retour de Thiam a été salué comme un acte de résistance face à ce que le parti dénonce comme une instrumentalisation de la justice. Le message est clair : le PDCI maintient le cap derrière son leader, désormais officiellement 100 % ivoirien après avoir renoncé à sa nationalité française en mars.

Une légitimité retrouvée mais une bataille présidentielle encore loin d’être gagnée

Si cette réélection renforce la légitimité de Tidjane Thiam au sein du PDCI, elle ne résout en rien le principal obstacle à ses ambitions présidentielles : son absence des listes électorales. Radié en 2022 pour cause de double nationalité, Thiam demeure inéligible pour le scrutin d’octobre 2025, selon les dispositions actuelles. La révision des listes électorales, qui pourrait permettre son retour, n’est pas encore envisagée par les autorités.

Face à cette impasse, les cadres du parti oscillent entre espoir et résignation. Certains évoquent un plan B en coulisses, tandis que d’autres, comme la militante Elisabeth Golli, martèlent qu’il « n’y a pas de plan B » : seul Thiam peut incarner l’alternance. Pourtant, dans les rangs de l’opposition, plusieurs figures majeures, Laurent Gbagbo, Guillaume Soro, Charles Blé Goudé, partagent le même sort d’exclusion électorale, laissant planer un doute sur l’ouverture réelle du jeu démocratique.

Un affrontement indirect avec le pouvoir en place

La réélection de Tidjane Thiam prend aussi des allures de bras de fer avec le régime d’Alassane Ouattara. En dénonçant un « système de harcèlement » et en affirmant que « l’on ne touche pas au PDCI », les partisans de Thiam envoient un signal fort au pouvoir. Le PDCI, jadis parti de gouvernement, entend bien redevenir un acteur incontournable de la scène nationale.

Mais le pouvoir reste ferme sur sa ligne : la justice est indépendante, et la légalité prime. En coulisses, pourtant, la guerre des pions est bel et bien lancée. À l’image d’une partie d’échecs, chaque camp avance ses stratégies dans la perspective de 2025. Pour le moment, Tidjane Thiam est bien le roi d’un échiquier interne… mais reste à savoir s’il pourra franchir les portes du palais présidentiel.

Le poids d’un symbole, l’incertitude d’une candidature

En réélisant Tidjane Thiam avec une quasi-unanimité, le PDCI a envoyé un message de confiance et d’unité à ses militants. Ce vote constitue une étape majeure dans la reconstruction du parti autour d’une figure internationale, visionnaire et ambitieuse. Mais le véritable défi reste devant : surmonter les barrières juridiques, convaincre l’opinion et exister dans une compétition verrouillée.

À un peu plus d’un an de la présidentielle, Tidjane Thiam est plus que jamais un homme en suspens : entre légitimité politique consolidée et incertitude juridique persistante, son destin présidentiel demeure entre les mains du droit… et d’un éventuel tournant politique national.

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