
Devant des militants galvanisés, Laurent Gbagbo a tenu un discours offensif, ce samedi, à Port-Bouët. L’ancien Président, très incisif, a montré des muscles, ne faisant pas mystère de sa détermination à se battre pour sa candidature.
Dans un discours enflammé devant une foule de partisans réunis à Port-Bouët, Laurent Gbagbo a dénoncé avec virulence son exclusion de la liste électorale en vue de la présidentielle ivoirienne de 2025. Il a fustigé la décision de la Commission électorale indépendante (CEI), qu’il considère comme un affront à son honneur, et a averti qu’il mènerait le combat pour restaurer ses droits et ceux de ses compagnons politiques.
« Je ne suis pas un voleur »
Le leader du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) n’a pas mâché ses mots : « On a publié une liste sur laquelle il n’y a pas le nom de Laurent Gbagbo », a-t-il lancé sous les acclamations, avant de rejeter les accusations de vol à l’origine de son inéligibilité. « Je ne suis pas un voleur », a-t-il martelé, dénonçant une tentative délibérée de l’écarter du jeu politique.
Laurent Gbagbo a également pointé du doigt l’exclusion d’autres figures majeures de la vie politique nationale, telles que Cheikh Tidjane Thiam ou Guillaume Soro, y voyant une stratégie de verrouillage électoral. À 80 ans, l’ancien Président a rappelé son long parcours de lutte politique : « Je me bats depuis que j’ai 18 ans. Et on ne m’a pas encore vaincu ».
Un message à l’adversaire : « On se battra »
Visiblement déterminé à ne pas se laisser faire, Laurent Gbagbo a multiplié les appels à la mobilisation et à la résistance, tout en se gardant, pour l’instant, d’appeler à une confrontation directe : « Ce n’est pas comme ça qu’on se bat. On ne donne pas les coups n’importe quand, ni n’importe comment », a-t-il précisé, avant de lancer : « Mais ils veulent qu’on se batte, on va se battre ».
Dans une attaque à peine voilée contre le Président Alassane Ouattara, qu’il accuse de se maintenir au pouvoir en violation de la Constitution, Laurent Gbagbo a dénoncé l’« invention d’un droit foireux » pour justifier un troisième, voire un quatrième mandat. « La Constitution dit qu’un citoyen ne peut faire que deux mandats. Tu veux faire ton quatrième mandat ? », a-t-il lancé ironiquement, qualifiant ce scénario d’« inacceptable ».
Une dénonciation des dérives actuelles
Revenant longuement sur la crise post-électorale de 2010, le président du PPA-CI a fustigé l’intervention de la communauté internationale, notamment celle de la France de Nicolas Sarkozy. Il a mis en cause le rôle de la CEI de l’époque et a réaffirmé que seule la décision du Conseil constitutionnel, qui l’avait déclaré vainqueur, faisait foi. « Sarkozy, où est ton problème ? Qui t’a demandé de l’aide ? », a-t-il interrogé avec véhémence.
Laurent Gbagbo a profité de son allocution pour condamner ce qu’il considère comme des dérives autoritaires du régime actuel : répression des opposants, prisonniers d’opinion, convocations judiciaires répétées. Il a cité le cas de ses proches collaborateurs, comme Damana Pickass et Justin Koua, régulièrement inquiétés par la justice, et a déploré l’emprisonnement du militant Charles Rodel Dosso pour avoir dénoncé la vie chère.
L’ex-chef d’État a conclu en rappelant sa vision d’un pays libre, juste et solidaire : « J’ai rêvé d’un pays où les gens n’ont pas faim. J’ai rêvé d’un pays où l’école est gratuite. J’ai rêvé d’un pays où chacun peut se soigner quand il est malade ».
Vers une confrontation politique ?
S’il n’a pas explicitement appelé à des manifestations, Gbagbo a invité ses partisans à « rester vigilants et mobiles », prévenant que « si c’est moi qu’ils cherchent, il faut leur dire qu’ils m’ont trouvé ». À quelques mois de l’échéance électorale, son discours sonne comme un avertissement : l’opposition ne compte pas rester silencieuse face à ce qu’elle considère comme une confiscation du processus démocratique.
Visiblement, tous les pions d’une violente confrontation sont en train de se mettre en place. Avec l’exclusion quasi systématiquement de tous ses opposants du jeu électoral en cours, Alassane Ouattara joue incontestablement avec des allumettes. Quinze années ne suffisent pas pour cicatriser les plaies profondes causées par la crise post-électorale de 2010-2011. Le traumatisme et ses corollaires sont toujours présents, visibles. La souffrance ronge toujours les familles des victimes. Et ça, s’il y a des personnes qui soient mieux placées pour le savoir, c’est bien la classe politique ivoirienne et singulièrement la classe dirigeante.