
Un document confidentiel daté du 29 juin 2025 révèle les divisions internes de l’opposition ivoirienne à moins de quatre mois de l’élection présidentielle d’octobre. Cette lettre adressée au « Camarade Président » expose une stratégie inédite pour contrer Alassane Ouattara et son régime.
Abidjan – À quatre mois de l’élection présidentielle d’octobre 2025, l’opposition ivoirienne traverse une crise stratégique majeure. Un document confidentiel que nous nous sommes procuré révèle les profondes interrogations qui agitent les rangs opposés au pouvoir d’Alassane Ouattara.
Dans cette lettre datée du 29 juin 2025, signée par Ahoua Donmello et adressée au « Camarade Président » – en l’occurence Laurent Gbagbo, dirigeant du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI) -, l’auteur expose une vision géopolitique ambitieuse tout en proposant une stratégie électorale pragmatique face aux défis constitutionnels.
Le document révèle notamment que « les deux poids lourds de l’opposition qui viennent de faire alliance ont un carton rouge » et propose une approche inédite : autoriser plusieurs candidatures de « précaution » au sein du même parti pour contourner les éventuels obstacles du Conseil constitutionnel.
Cette correspondance interne éclaire d’un jour nouveau les enjeux et les tensions qui traversent l’opposition ivoirienne à l’approche d’un scrutin crucial pour l’avenir du pays…
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Lettre confidentielle de l’opposition ivoirienne
Abidjan, le 29 Juin 2025
OBJET : Élections présidentielles d’Octobre 2025 en Côte d’Ivoire.
Camarade Président,
J’ai l’honneur de porter à ta connaissance ce qui suit :
Un tournant décisif de l’Histoire
Nous sommes à un tournant décisif de l’Histoire de l’humanité et de celle de la Côte d’Ivoire. Ces deux Histoires sont intimement liées.
En effet, l’Histoire de l’humanité connaît aujourd’hui un grand basculement : Le Sud global, sous la direction des BRICS, monte en puissance sur tous les plans, tandis que l’hégémonie occidentale entraîne dans son déclin tous ses alliés.
La Côte d’Ivoire doit éviter d’être un des wagons du monde en déclin et un de ses chevaux de Troie.
L’impératif d’empêcher un nouveau mandat
Empêcher le Président Ouattara ou son régime de faire un autre mandat, c’est éviter à la Côte d’Ivoire d’être entraînée dans ce déclin dont les signes avant-coureurs résident dans l’incapacité du régime à faire face aux échéances de la « digba dette » sur fonds propres et à relever un Indice de Développement Humain (IDH) trop faible qui plonge chaque jour davantage le peuple dans la pauvreté.
Ainsi, deux solutions s’offrent au peuple et à l’opposition ivoirienne qui incarne ces aspirations : soit empêcher sa candidature, soit battre M.Ouattara ou son candidat dans les urnes.
Le piétinement du Droit et des Institutions
Sauf cas de force majeure, empêcher sa candidature est une bataille perdue d’avance car le Conseil Constitutionnel, clone de l’Exécutif, exprimera la volonté de M. Ouattara en ignorant le Droit. Depuis sa candidature exceptionnelle de 2010 jusqu’à sa candidature pour cause de décès de son successeur, en passant par sa candidature par dérivation, M. Ouattara n’a fait que piétiner le Droit et les Institutions de la République.
Si par extraordinaire M. Ouattara est empêché, le régime se régénèrera avec un nouveau candidat, sans adversaire de poids en face ; ce qui prolongera d’une décennie encore la souffrance du peuple sous le même régime.
L’isolement du régime
Lâché par le peuple et par ses voisins qui ont servi de relais et de masques à l’hégémonie occidentale pour le porter au pouvoir, celui-ci ne tient que par les béquilles d’une minorité de partisans qui se nourrit de l’Etat comme d’un butin de guerre pour mieux nourrir l’Occident qui renforce sa présence militaire afin de compenser et de contenir ses anciens relais devenus des ennemis.
Il reste donc au peuple et à l’opposition qui l’incarne, de battre le régime avec sa propre Commission électorale, sa propre liste électorale, son propre électorat en combattant la fraude et en initiant une diplomatie active pour inverser les rapports de force internes et géopolitiques.
Une opposition divisée mais non isolée
Nous ne sommes plus seuls comme en 2011 et le régime est isolé. Seule notre désunion, l’absence d’une vision et d’une stratégie réaliste, font la force de ce régime.
Malheureusement les deux poids lourds de l’opposition qui viennent de faire alliance ont un carton rouge : Toi et Tidiane THIAM.
La colère que cette situation engendre est légitime mais la colère est souvent mauvaise conseillère et autodestructrice. La tentation d’abandonner le match est donc grande mais, comme les élections précédentes, cela ne donnera pas la victoire à l’opposition, n’empêchera pas M. Ouattara de faire un quatrième mandat ni de précipiter le déclin de la Côte d’voire dans l’abîme de la paupérisation et du surendettement.
Une stratégie de candidatures de précaution
En lieu et place d’une légitime colère alimentée par l’incertitude sur l’issue de la lutte ou d’un abandon du match qui déroulera le tapis rouge à M. Ouattara, par conséquent, celui-ci activera le rouleau compresseur contre le peuple et l’opposition qui l’incarne.
De ce qui précède et étant donné que tu as engendré plusieurs GBAGBO capables de relever le défi, je propose que tu autorises, en plus de ta candidature, deux ou trois autres Camarades à déposer leurs dossiers de candidature et qu’une Convention extraordinaire puisse choisir le candidat du Parti parmi ceux qui passeront au filtre du Conseil Constitutionnel.
Ces candidatures ne sont pas des candidatures de substitution à la tienne mais des candidatures de précaution. Elles deviennent caduques au cas où ta candidature est retenue par une solution politique.
Éviter la politique de la chaise vide
Il faut éviter de répéter la politique de la chaise vide au risque de vider le Parti de sa substance non idéologique et non résiliente après les élections de 2025 et de perdre toute influence sur la scène politique.
Cette stratégie est l’unique condition pour éviter au PPACI une absence à ce grand rendez-vous de l’Histoire. Ce qui permettra à notre pays de s’échapper du monde en déclin et d’être à la table des Grands pour la conception et la mise en œuvre d’un monde multipolaire et d’un destin commun avec l’Alliance des Etats du Sahel, de l’Afrique de l’Ouest et du continent Africain.
Une transition civile de deux ans
Je propose, en cas de victoire de notre candidat, une transition civile de deux ans, à toute la classe politique et à la société civile, pour rendre justice et honneur au peuple qui a tant souffert et tant perdu, et aux leaders politiques injustement exclus du jeu politique afin d’asseoir les bases de la Côte d’Ivoire réconciliée, souveraine et panafricaniste, sur les fondations d’une démocratie durable dans un monde multipolaire.
Je te prie d’agréer, Camarade Président, l’expression de ma très haute et déférente considération.
Ahoua DONMELLO