Burkina Faso : la libération de deux militants du Balai citoyen relance le débat sur les libertés publiques


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Une prison
Une prison

Après plus d’un an d’inquiétudes et de silence, deux membres du mouvement citoyen burkinabè Balai citoyen, Aboudou Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, ont été remis en liberté ce 6 octobre 2025. Cette libération, bien que saluée par les organisations de défense des droits humains, fait ressortir les restrictions sur les libertés publiques et les inquiétudes liées aux disparitions forcées dans un contexte politique de plus en plus militarisé.

Une arrestation controversée, une réapparition sous uniforme militaire

Arrêtés dans des conditions floues les 20 et 21 février 2024 à Ouagadougou par des hommes en civil, Zinaba et Badjo avaient disparu sans que leurs proches ni leur organisation n’aient de nouvelles pendant plusieurs mois. Ce n’est qu’en juin 2024 qu’ils réapparaissent, dans une mise en scène télévisée, habillés en tenues militaires, dans l’émission « Parole de combattant », diffusée sur la chaîne nationale burkinabè.

À cette époque, les deux hommes figuraient sur une liste de personnes réquisitionnées par l’armée, une décision judiciaire suspendue mais visiblement ignorée. Le Balai citoyen avait dénoncé des enlèvements arbitraires, pointant du doigt une volonté d’intimider les voix critiques du régime militaire en place depuis le coup d’État de 2022.

Une libération sous haute surveillance

C’est avec prudence que l’organisation a confirmé la libération de ses deux membres : « Ils sont rentrés chez eux, ils retrouvent leurs familles et sont en bonne santé », a-t-on appris d’une source interne. Aucun autre détail n’a été fourni, par souci de sécurité pour les anciens détenus, dans un climat où les représailles restent une menace réelle.

Cette discrétion traduit aussi le climat de tensions persistantes entre le régime militaire et les acteurs de la société civile, dont les activités sont étroitement surveillées. Plusieurs ONG locales et internationales pointent régulièrement des cas de disparitions forcées, de détentions arbitraires et de répression des libertés.

Un fondateur toujours détenu : le cas Guy-Hervé Kam

Si la libération de Zinaba et Badjo est un soulagement, elle ne clôt pas le dossier. Guy-Hervé Kam, avocat et figure historique du Balai citoyen, reste emprisonné. Il est accusé de « participation présumée à un complot contre la sûreté de l’État », une accusation jugée floue et politiquement motivée par ses soutiens.

L’organisation appelle à sa libération immédiate et au respect des droits fondamentaux garantis par la Constitution. Plusieurs organisations internationales, dont Amnesty International et Human Rights Watch, ont également exprimé leur inquiétude face à l’érosion de l’État de droit au Burkina Faso.

Une situation révélatrice de la fragilité démocratique au Burkina Faso

Depuis la prise du pouvoir par le capitaine Ibrahim Traoré en 2022, les pressions sur la société civile se sont accentuées. Si le gouvernement affirme lutter contre l’insécurité et le terrorisme, de nombreux observateurs s’inquiètent de la militarisation croissante de la vie publique et du recul des contre-pouvoirs.

Le cas du Balai citoyen, né en 2013 en réaction à la tentative de prolongation de mandat de l’ex-président Blaise Compaoré, est emblématique. Mouvement pacifique, il s’est donné pour mission de veiller à la gouvernance démocratique, souvent au prix de l’arrestation de ses membres. Face à cette situation, les acteurs de la société civile appellent à une mobilisation internationale pour faire pression sur le gouvernement burkinabè afin qu’il respecte ses engagements en matière de droits humains.

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