
Face à une explosion des cas de paludisme qui ont atteint 7,3 millions en 2024 contre 4,1 millions l’année précédente, l’Éthiopie s’apprête à déployer le vaccin révolutionnaire R21/Matrix-M. Cette initiative s’inscrit dans une mobilisation continentale sans précédent pour combattre l’une des maladies les plus meurtrières d’Afrique, qui tue encore un enfant de moins de cinq ans chaque minute.
L’Éthiopie s’apprête à devenir le premier pays d’Afrique à déployer le vaccin révolutionnaire R21/Matrix-M contre le paludisme. Cette initiative intervient dans un contexte particulièrement urgent, alors que le pays fait face à une explosion sans précédent des cas de paludisme en 2024.
Un contexte sanitaire alarmant
Les chiffres révélés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dressent un tableau préoccupant de la situation éthiopienne. Entre janvier et octobre 2024, plus de 7,3 millions de cas de paludisme ont été recensés, accompagnés de 1 157 décès – soit une multiplication par 1,8 par rapport aux 4,1 millions de cas enregistrés en 2023. Cette hausse dramatique représente le niveau le plus élevé observé au cours des sept dernières années.
Les régions les plus touchées sont l’Oromia (44% des cas), l’Amhara (18%), le Sud-Ouest (12%) et l’État régional du Sud-Éthiopie (7%), qui concentrent ensemble 81% des cas signalés. Cette répartition géographique inégale souligne l’urgence d’une intervention ciblée et efficace.
Le R21/Matrix-M : Une innovation scientifique prometteuse
Développé par l’Institut Jenner de l’Université d’Oxford en partenariat avec le Serum Institute of India, le vaccin R21/Matrix-M représente une avancée majeure dans la lutte contre le paludisme. Recommandé par l’OMS en octobre 2023, ce vaccin de deuxième génération affiche des performances exceptionnelles avec une efficacité pouvant atteindre 75% lors des essais cliniques.
L’introduction du R21/Matrix-M en Éthiopie s’inscrit dans une stratégie globale de vaccination qui cible les enfants de 5 à 36 mois, population la plus vulnérable face au paludisme. Le protocole vaccinal comprend quatre doses administrées à 6, 7, 8 et 18 mois, intégrées au programme de vaccination systématique du pays.
L’un des atouts majeurs de ce vaccin réside dans son coût abordable, estimé entre 2 et 4 dollars la dose, soit un prix comparable aux autres vaccins pédiatriques utilisés en Afrique. Cette accessibilité financière, conjuguée à la capacité de production de 100 millions de doses par an du Serum Institute of India, garantit une disponibilité suffisante pour répondre aux besoins.
Un impact attendu sur la mortalité infantile
Le paludisme demeure l’une des principales causes de mortalité infantile en Afrique, tuant environ 432 000 enfants africains chaque année selon l’OMS. En Éthiopie, les enfants de moins de cinq ans représentent 16% des cas ambulatoires et 25% des hospitalisations liées au paludisme.
L’introduction du R21/Matrix-M pourrait considérablement réduire cette mortalité, particulièrement lorsqu’il est utilisé en complément des mesures préventives existantes comme les moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation intradomiciliaire.
Malgré son potentiel révolutionnaire, le déploiement du vaccin en Éthiopie devra surmonter plusieurs obstacles. Les conflits prolongés dans certaines régions, notamment en Oromia et Amhara, compliquent l’accès aux populations les plus vulnérables. Le pays compte actuellement 3,3 millions de personnes déplacées internes, dont beaucoup vivent dans des conditions précaires qui favorisent la transmission du paludisme.
De plus, la réduction des efforts de lutte antivectorielle, exacerbée par les conflits, a contribué à l’augmentation récente des cas. Le système de surveillance n’est pas optimal dans les zones touchées par le conflit, rendant difficile le suivi épidémiologique précis.
Une mobilisation mondiale saluée par l’OMS
« En tant que chercheur, je rêvais du jour où nous disposerions d’un vaccin sûr et efficace contre le paludisme. Aujourd’hui, nous en avons deux », a déclaré le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. « La demande de vaccins RTS, S dépasse de loin l’offre, de sorte que ce deuxième vaccin est un outil supplémentaire essentiel pour protéger plus d’enfants plus rapidement et pour tendre vers notre vision d’un avenir sans paludisme », a-t-il ajouté, soulignant l’urgence de cette mobilisation sanitaire.
L’introduction du R21/Matrix-M en Éthiopie s’inscrit dans le mouvement continental de lutte contre le paludisme. Plusieurs pays africains, dont l’Ouganda, la Zambie, le Burkina Faso et la République centrafricaine, ont déjà initié leurs programmes de vaccination antipaludique.
Cette mobilisation collective, soutenue par Gavi l’Alliance du Vaccin, l’UNICEF et l’OMS, témoigne d’une volonté politique forte de transformer radicalement la lutte contre cette maladie parasitaire. L’objectif à long terme demeure l’élimination du paludisme en Afrique, un défi qui nécessite des innovations continues et une coordination internationale renforcée. Alors que le continent abrite 94% des cas mondiaux de paludisme et 95% des décès associés, cette innovation offre un espoir concret de sauver des centaines de milliers de vies d’enfants.