
Alors que la Corne de l’Afrique voit ressurgir de nouveaux foyers d’instabilité, le 25ᵉ anniversaire de l’Accord d’Alger ravive le débat sur les fragilités persistantes entre l’Érythrée et l’Éthiopie. Loin d’être un simple jalon diplomatique, ce traité demeure un repère essentiel pour contenir les tensions qui se ravivent autour de la frontière. L’ONU appelle désormais les deux États à raviver l’esprit de compromis qui avait permis de mettre fin au conflit, afin d’éviter une nouvelle déstabilisation régionale.
Vingt-cinq ans se sont écoulés depuis la signature de l’Accord d’Alger, qui avait officiellement scellé la fin de la guerre frontalière entre l’Érythrée et l’Éthiopie. À l’occasion de cet anniversaire symbolique, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, appelle les deux pays à renouveler pleinement leur engagement envers la paix, alors que les tensions semblent reprendre de l’ampleur dans la Corne de l’Afrique.
Un traité historique né d’un conflit meurtrier
La guerre qui a opposé les deux nations de 1998 à 2000 a profondément traumatisé la région. Déclenché à l’origine par un différend territorial autour de divers secteurs frontalièrs, ce conflit a fait entre 70 000 et 80 000 morts sans parvenir à régler les causes de la discorde. Pour rompre l’impasse, l’Érythrée et l’Éthiopie s’étaient réunies à Alger en décembre 2000. Le traité conclu à cette occasion instaurait un cessez-le-feu permanent, avait prévu la création d’une commission internationale chargée de délimiter la frontière et posait les bases d’un cadre juridique destiné à permettre une normalisation progressive des relations.
Un rappel ferme de l’ONU au respect des engagements
L’Accord d’Alger reste aujourd’hui la référence sur laquelle repose la paix fragile entre les deux États. Dans un communiqué lu par son porte-parole, Stéphane Dujarric, Antonio Guterres a réaffirmé que l’Accord d’Alger conserve une importance cruciale pour prévenir toute nouvelle escalade. Selon lui, la commémoration du 25ᵉ anniversaire devrait inciter les deux pays à consolider leur attachement aux principes centraux du traité, notamment la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque État.
Le secrétaire général a également rappelé qu’en 2018, les dirigeants éthiopiens et érythréens avaient surpris le monde en annonçant une normalisation spectaculaire de leurs relations. Cette réconciliation avait provoqué un immense regain d’espoir dans toute la région et avait contribué à l’attribution du prix Nobel de la paix au Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed. Guterres souligne toutefois que cette dynamique positive doit être ravivée pour éviter une nouvelle détérioration du climat politique.
Une région à nouveau sous tension
Malgré l’optimisme suscité en 2018, plusieurs évolutions récentes montrent que la stabilité demeure fragile. L’Éthiopie a traversé une guerre dévastatrice dans la région du Tigré, qui a profondément affecté les équilibres politiques internes. Les relations entre Addis-Abeba et Asmara, qui avaient connu une phase de rapprochement, semblent aujourd’hui marquées par une certaine méfiance. Par ailleurs, la militarisation progressive de plusieurs zones frontalières contribue à maintenir un climat d’incertitude.
Le contexte géostratégique régional complique davantage la situation. La Corne de l’Afrique, située aux portes de la mer Rouge, est convoitée par de nombreuses puissances étrangères et joue un rôle stratégique majeur dans les échanges internationaux. Une détérioration des relations entre l’Érythrée et l’Éthiopie pourrait donc entraîner des répercussions bien au-delà de leurs frontières.
Guterres plaide pour une coopération régionale renforcée
La mise en œuvre de la décision rendue par la Commission du tracé de la frontière Érythrée-Éthiopie demeure l’un des principaux points de friction. Celle-ci avait attribué la localité de Badme à l’Érythrée, un choix contesté par l’Éthiopie au moment de son annonce. Bien que cette décision soit reconnue sur le plan juridique, elle n’a jamais été réellement appliquée sur le terrain, ce qui alimente encore aujourd’hui les tensions entre les deux pays. La question des compensations financières liées aux biens saisis au port d’Assab reste elle aussi sans solution définitive.
Antonio Guterres encourage l’Érythrée et l’Éthiopie à travailler plus étroitement avec leurs partenaires africains et internationaux. Selon lui, seule une approche collective permettra d’apaiser les tensions persistantes et de favoriser le développement économique dans une région confrontée à l’instabilité politique, aux crises humanitaires ou aux bouleversements climatiques.
Un anniversaire à transformer en tournant politique
Pour le secrétaire général de l’ONU, les vingt-cinq ans de l’Accord d’Alger doivent être une occasion de réaffirmer la voie du dialogue. L’Érythrée et l’Éthiopie sont invitées à renouer avec l’esprit de coopération qui avait guidé la signature du traité et à travailler pour une mise en œuvre complète de ses dispositions. Alors que la Corne de l’Afrique traverse une période critique, la capacité des deux pays à revenir à une logique de confiance mutuelle pourrait déterminer l’avenir de la région. L’ONU espère que cet anniversaire marquera un véritable nouvel élan en faveur d’une paix durable.





