L’Éthiopie alerte : l’Érythrée se prépare activement à une guerre


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Abiy Ahmed, Premier ministre éthiopien
Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed

À quelques jours de l’annonce du prix Nobel de la paix 2025, le nom d’Abiy Ahmed refait surface dans un contexte bien éloigné de la diplomatie. Le Premier ministre éthiopien, lauréat du Nobel de la paix en 2019 pour avoir signé un accord historique avec l’Érythrée, accuse aujourd’hui ce même voisin de « se préparer activement à une guerre ».

Dans une lettre adressée le 2 octobre au secrétaire général des Nations unies, António Guterres, et révélée par l’AFP, le ministère éthiopien des Affaires étrangères affirme que l’Érythrée finance, mobilise et dirige des groupes rebelles dans plusieurs régions du pays, notamment en Amhara, théâtre de rébellions récurrentes contre le pouvoir central.

Addis-Abeba dénonce une alliance entre Asmara et les rebelles du Tigré

Dans son courrier à l’ONU, l’Éthiopie va plus loin. Elle accuse l’Érythrée d’une « collusion » avec le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), l’ancien parti dominant du pays, aujourd’hui en opposition ouverte au gouvernement fédéral.

Selon Addis-Abeba, cette alliance aurait pour objectif de « déstabiliser et fragmenter l’Éthiopie », un scénario que le gouvernement redoute depuis la fin de la guerre du Tigré en 2022. Ce conflit, qui a opposé les forces fédérales au TPLF pendant deux ans, a coûté la vie à au moins 600 000 personnes, selon des estimations indépendantes.

Le paradoxe est saisissant : lors de cette guerre, Asmara soutenait militairement Addis-Abeba contre le TPLF. Trois ans plus tard, les anciens alliés s’accusent mutuellement de trahison et de manœuvres déstabilisatrices.

Une paix fragile, héritage d’un passé conflictuel

Les tensions actuelles ravivent de vieux souvenirs. Depuis l’indépendance de l’Érythrée en 1993, les deux pays ont entretenu des relations houleuses, marquées par une guerre sanglante entre 1998 et 2000 qui fit des dizaines de milliers de morts.

L’accord de paix de 2018, signé entre Abiy Ahmed et le président érythréen Issaias Afeworki, avait symbolisé une ère nouvelle dans la Corne de l’Afrique, saluée par la communauté internationale. Mais cette réconciliation semble aujourd’hui compromise, à mesure que les ambitions géopolitiques se heurtent.

La bataille pour la mer Rouge, au cœur du différend

Derrière les accusations diplomatiques, un enjeu stratégique se dessine : l’accès à la mer Rouge. Depuis la sécession de l’Érythrée, l’Éthiopie est un pays enclavé. Addis-Abeba cherche depuis plusieurs années à retrouver un accès maritime, notamment via le port érythréen d’Assab, autrefois vital pour ses exportations.

Des rumeurs persistantes évoquent le désir d’Abiy Ahmed de sécuriser un port sur la mer Rouge, quitte à provoquer son voisin du Nord. L’Érythrée, de son côté, voit dans ces ambitions un risque d’ingérence directe sur son territoire.

L’ombre d’une nouvelle crise régionale

Les accusations éthiopiennes surviennent dans une région déjà instable, où les tensions ethniques, politiques et militaires restent vives. Si la diplomatie internationale ne s’en mêle pas rapidement, le spectre d’un nouveau conflit interétatique pourrait ressurgir dans la Corne de l’Afrique, une zone stratégique convoitée pour sa proximité avec le golfe d’Aden et les routes commerciales mondiales.

Alors qu’Abiy Ahmed s’apprête à célébrer, en théorie, les cinq ans de son prix Nobel de la paix, le symbole d’un espoir africain en paix durable semble s’éloigner.

Maceo Ouitona
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Maceo Ouitona est journaliste et chargé de communication, passionné des enjeux politiques, économiques et culturels en Afrique. Il propose sur Afrik des analyses pointues et des articles approfondis mêlant rigueur journalistique et expertise digitale
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