L’Éthiopie conclut un accord avec la Russie pour construire une centrale nucléaire


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Une centrale nucléaire
Une centrale nucléaire

L’Éthiopie a franchi une étape majeure dans sa quête d’indépendance énergétique. Jeudi, à Moscou, le Premier ministre Abiy Ahmed et le Président russe, Vladimir Poutine, ont assisté à la signature d’un accord préliminaire entre la société publique russe Rosatom et la Compagnie d’électricité éthiopienne pour la planification et la construction d’une centrale nucléaire dans le pays.

La question de l’indépendance énergique préoccupe au plus haut niveau les autorités éthiopiennes. En dépit de l’inauguration, le 9 septembre dernier, de son Grand barrage de la Renaissance (GERD), projet pharaonique d’un coût de 4 milliards de dollars pour une production de 5 150 mégawatts, l’Éthiopie continue de se battre pour l’énergie. Cette fois-ci, c’est l’énergie nucléaire qui est dans le viseur des autorités d’Addis-Abeba qui se tournent vers Moscou.

Un partenariat stratégique Moscou–Addis-Abeba

L’accord, paraphé au Kremlin, prévoit l’élaboration d’un plan détaillé de construction ainsi qu’une « feuille de route » destinée à baliser les différentes étapes du projet. Un accord intergouvernemental viendra compléter ce cadre afin de garantir la coopération technique, économique et diplomatique.

L’accord, s’il est mené à bien, aura un double impact : renforcer la capacité énergétique de l’Éthiopie, qui peine encore à répondre à une demande croissante malgré l’inauguration récente du Grand barrage de la Renaissance, et accroître l’influence de Moscou sur le continent africain à travers le développement du nucléaire civil. On se rappelle qu’en octobre 2023, le Burkina Faso et le Mali ont signé, à Moscou, des mémorandums d’entente pour la coopération dans le domaine de l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques.

Le nucléaire, nouvel enjeu énergétique africain

Au-delà de la construction d’infrastructures, le texte signé prévoit également la formation du personnel éthiopien et le développement d’un secteur nucléaire national. Pour Rosatom, qui multiplie les partenariats en Afrique, il s’agit de consolider sa position de leader dans l’exportation du savoir-faire nucléaire. En Éthiopie, ce projet est perçu comme une opportunité de diversifier les sources d’énergie et de préparer une transition vers des solutions plus durables, dans un pays où l’électrification reste encore incomplète, notamment en zones rurales.

Avec cet accord, l’Éthiopie rejoint la courte liste des pays africains qui misent sur l’atome civil. L’Afrique du Sud demeure, à ce jour, le seul pays du continent à exploiter une centrale nucléaire, tandis que l’Égypte poursuit un projet similaire en partenariat avec Rosatom. De son côté, le Niger envisage la construction de deux réacteurs.

Cette dynamique traduit un intérêt croissant des États africains pour le nucléaire civil, vu comme un levier stratégique pour réduire leur dépendance énergétique et accompagner leur croissance économique.

Défis et interrogations

Si le projet suscite l’enthousiasme, il n’en demeure pas moins entouré de nombreuses interrogations. Les défis sont autant financiers – l’Éthiopie fait face à une dette extérieure jugée au seuil de soutenabilité – que techniques, dans un pays où les infrastructures et le personnel qualifié sont encore limités.

À ces incertitudes s’ajoutent les risques géopolitiques : Moscou utilise le nucléaire comme un outil de diplomatie d’influence, dans un contexte international marqué par les tensions avec l’Occident. Pour l’Éthiopie, il s’agit donc d’un pari stratégique, entre besoin urgent de développement et choix d’un partenaire contesté sur la scène mondiale.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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