L’Éthiopie étranglée par sa dette : Banque mondiale et FMI sonnent l’alarme


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Abiy Ahmed
Abiy Ahmed

L’Éthiopie, longtemps présentée comme l’un des moteurs de croissance du continent africain, se retrouve aujourd’hui dans une impasse financière. Dans un rapport conjoint publié récemment, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) affirment que le pays a franchi les seuils de soutenabilité de sa dette et se trouve désormais en situation de détresse.

La crise s’est cristallisée en décembre 2023, lorsque l’Éthiopie a manqué le paiement des intérêts d’une euro-obligation. Ce défaut, une première dans son histoire moderne, a marqué l’entrée officielle du pays en détresse de dette. Depuis, plusieurs échéances n’ont pas été honorées, confirmant l’incapacité d’Addis-Abeba à faire face à ses engagements financiers.

Selon le rapport, la capacité d’endettement du pays est désormais « très faible » et les pressions de liquidité s’accentuent sous l’effet de remboursements massifs à court et moyen terme. Le déficit de financement est estimé à 10,8 milliards de dollars d’ici 2028. Une partie pourrait être couverte par l’aide internationale — 3,4 milliards du FMI, 3,8 milliards de la Banque mondiale et environ 3,6 milliards d’allègement de dette de créanciers privés — mais rien n’est acquis.

Instabilité et gouvernance fragilisent l’économie

À la fragilité financière s’ajoutent des tensions politiques et sociales. La guerre au Tigré (2020-2022) a épuisé les ressources du pays et asséché les financements extérieurs. Depuis, les violences persistantes dans les régions de l’Amhara et de l’Oromia entretiennent l’instabilité.

La gouvernance est également mise en cause : dépenses publiques mal orientées, projets d’infrastructures coûteux et peu productifs, manque de transparence dans la gestion budgétaire. Ces dérives réduisent encore la marge de manœuvre de l’État et aggravent la crise.

Un avenir suspendu aux réformes

La Banque mondiale et le FMI appellent à une mise en œuvre rapide du programme de réformes promis par Addis-Abeba et à un allègement coordonné de la dette conformément au Cadre commun du G20. Un accord de principe a été conclu en mars 2025 avec les créanciers officiels : s’il est respecté, il permettrait de ramener le risque de surendettement à un niveau modéré d’ici 2027-2028.

Mais tout dépendra de la capacité du gouvernement d’Abiy Ahmed à restaurer la confiance, mener des réformes douloureuses et contenir les tensions internes. Pour l’heure, l’Éthiopie, hier encore citée en exemple pour son dynamisme économique, se retrouve dans une situation critique.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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