Pêche durable : le nouveau pari économique de la Corne de l’Afrique


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Entre pillage des ressources et manque d’infrastructures, la Corne de l’Afrique tente de reprendre la main sur son destin maritime. Alors que l’insécurité menaçait ce potentiel vital, une nouvelle initiative tripartite entre la Somalie, le Japon et la FAO promet de relancer l’économie bleue et de sécuriser les eaux parmi les plus poissonneuses du continent.

Longtemps marginalisée économiquement, la Corne de l’Afrique redécouvre aujourd’hui le potentiel stratégique de ses ressources marines. Avec plus de 4 000 kilomètres de côtes bordant l’océan Indien et le golfe d’Aden, la région qui s’étend de Djibouti à la Somalie en passant par l’Érythrée, dispose d’un patrimoine halieutique considérable. Pourtant, ce secteur reste d’une grande vulnérabilité, pris en étau entre surexploitation, insécurité maritime et déficit chronique d’investissements.

Un géant aux pieds d’argile : le paradoxe des ressources

Si l’Éthiopie, géant enclavé de la région, tente de structurer sa pêche intérieure sur les grands lacs, c’est sur les côtes que l’enjeu est le plus critique.

La Somalie, qui possède la plus longue façade maritime du continent, est le théâtre d’un véritable pillage organisé. La pêche illégale, non déclarée et non réglementée (INN), souvent pratiquée par des flottes étrangères industrielles, prive les communautés locales de revenus vitaux. Amorcée lors de l’effondrement de l’État dans les années 1990, cette prédation dégrade les écosystèmes et alimente les tensions sociales. Selon les experts, ce manque à gagner érode non seulement les moyens de subsistance, mais prive également l’État de recettes fiscales indispensables à sa reconstruction.

L’accord Somalie-Japon-FAO : une évolution positive

C’est dans ce contexte tendu qu’une lueur d’espoir émerge à Mogadiscio. Le ministère somalien de la Pêche et de l’Économie bleue vient de lancer une initiative majeure de développement, soutenue financièrement et techniquement par le Japon et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).

Ce partenariat vise à moderniser radicalement le secteur via trois axes prioritaires :

  • Le renforcement des infrastructures : Construction d’unités de stockage et de débarquement pour réduire les pertes post-capture.
  • La surveillance maritime : Dotation des autorités somaliennes en capacités de monitoring pour lutter efficacement contre la pêche illégale.
  • L’appui aux communautés : Programmes de formation et fourniture d’équipements pour permettre aux pêcheurs locaux d’augmenter la valeur ajoutée de leurs prises.

Lors de la cérémonie officielle, le vice-ministre Ali Ifiye Ali a souligné l’urgence de la situation : « Cette initiative est cruciale pour le progrès économique, la création d’emplois et la lutte contre la pêche illégale. » Ce rapprochement avec le Japon témoigne de la volonté de Mogadiscio d’intégrer l’économie bleue comme pilier de sa stabilité à long terme.

Vers une coopération régionale indispensable

Si la Somalie et Djibouti, qui mise sur la formation et l’exportation, avancent, la réussite de ces programmes ne pourra se faire en vase clos. La nature transfrontalière des stocks de poissons et des réseaux illicites impose une coopération régionale effective.

Investir dans la pêche durable apparaît désormais comme un levier de sécurité alimentaire et de pacification pour la Corne de l’Afrique. En valorisant le poisson local et en réduisant la dépendance aux importations, la région peut diversifier son économie. Mais la condition sine qua non reste l’association des acteurs de l’hinterland, comme l’Éthiopie, à une gestion concertée.

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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