RDC, Sud-Kivu : l’AFC/M23 aux portes d’Uvira, le Burundi sonne l’alarme


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Corneille Nangaa
Corneille Nangaa

Dans l’est de la RDC, la situation sécuritaire continue de se dégrader à grande vitesse. L’AFC/M23, soutenue selon plusieurs rapports par le Rwanda, mène depuis plus d’une semaine une offensive d’ampleur dans la plaine de la Ruzizi, au Sud-Kivu.

L’avancée du mouvement rebelle, appuyée par une puissance de feu croissante, inquiète désormais ouvertement le Burundi, dont les troupes combattent aux côtés des FARDC.

Une offensive fulgurante dans la plaine de la Ruzizi

Partie de Kamanyola, l’offensive a rapidement balayé les positions loyalistes. En l’espace de quelques jours, les rebelles ont progressé d’environ cinquante kilomètres, faisant tomber l’une après l’autre plusieurs localités stratégiques situées le long de la frontière burundo-congolaise :

  • Luvungi, où les fortifications des FARDC et de l’armée burundaise ont été débordées,
  • le camp de formation militaire de Lubirizi, désormais occupé par l’AFC/M23,
  • la cité de Sange, à une trentaine de kilomètres d’Uvira, tombée le week-end dernier.

Cette percée, la plus rapide observée dans le Sud-Kivu depuis le début de l’année, place Uvira, chef-lieu provisoire de la province depuis la chute de Bukavu, en première ligne.

Le Burundi sort de sa réserve :  « Ils veulent atteindre Uvira, Fizi et Kalemie avant le 25 décembre »

Face à cette progression, Bujumbura a lancé un avertissement solennel. Lors d’un briefing avec le corps diplomatique à Gitega le 8 décembre, Edouard Bizimana, ministre burundais des Affaires étrangères, a affirmé que la progression de l’AFC/M23 suivait un plan bien établi. « Leur objectif est clair : capturer Uvira puis continuer leur progression jusqu’à Fizi et Kalemie avant le 25 décembre », a déclaré le chef de la Diplomatie burundaise.

Le ministre a appelé la communauté internationale à mesurer l’ampleur de la menace qui pèse non seulement sur la RDC, mais sur l’ensemble de la région des Grands Lacs. Au-delà de cette alerte, les autorités burundaises accusent directement le Rwanda d’avoir mené des attaques directes sur leur territoire. Selon Edouard Bizimana :

  • trois bombes auraient été larguées sur la province burundaise de Cibitoke, blessant deux civils,
  • des attaques au drone auraient visé des positions burundaises au Sud-Kivu,
  • des positions burundaises déployées en RDC dans le cadre d’un accord bilatéral avec Kinshasa auraient été ciblées dès le 2 décembre.

« Ces attaques continuent sur des positions burundaises et congolaises. Si cela se répète, le Burundi a le droit de poursuite », a-t-il averti.

Kigali dément toute implication, mais la tension entre les deux pays voisins atteint un niveau rarement observé depuis la dégradation de leurs relations ces dernières années.

Un exode massif vers Uvira et vers le Burundi

La progression de l’AFC/M23 provoque un déplacement massif de civils. Des familles entières, transportant quelques biens dans des conditions précaires, convergent vers : Uvira, où la situation reste très instable, Fizi, dont les routes sont saturées, Bujumbura, où plus de 20 000 personnes ont trouvé refuge en une seule journée, selon des sources humanitaires.

Les organisations humanitaires, déjà submergées par les précédentes vagues de déplacés, craignent une crise humanitaire majeure : « Les besoins en abris, en nourriture et en soins médicaux augmentent de manière alarmante », avertit un acteur humanitaire présent sur place.

Des accords de paix fragilisés malgré la médiation internationale

Cette escalade survient au lendemain de l’entérinement de l‘accord de Washington, signé entre la RDC et le Rwanda sous l’égide de l’administration Trump. Kinshasa accuse Kigali de violer ses engagements en continuant de soutenir l’AFC/M23.

Parallèlement, un nouveau round de discussions entre la délégation congolaise et celle de l’AFC/M23 doit s’ouvrir dans les prochains jours à Doha, sous la médiation du Qatar. « Nous allons à Doha pour discuter des derniers développements et mettre Kinshasa devant ses responsabilités », a laissé entendre Bertrand Bisimwa, coordonnateur adjoint de l’AFC/M23. Les combats se poursuivant sans relâche sur le terrain, rien n’indique que l’ouverture des pourparlers ralentira la progression du mouvement rebelle.

La bataille d’Uvira, un tournant pour les Grands Lacs

Uvira, devenue capitale provisoire du Sud-Kivu depuis la chute de Bukavu, représente un enjeu stratégique :

  • nœud humanitaire majeur,
  • centre logistique militaire pour les FARDC,
  • porte d’accès vers Fizi et le Tanganyika, jusqu’à Kalemie.

Sa chute éventuelle bouleverserait profondément l’équilibre sécuritaire de la région. Plusieurs observateurs redoutent désormais une extension régionale du conflit, impliquant directement le Burundi et le Rwanda, une perspective qui ferait voler en éclats les fragiles processus de paix en cours.

Dans tous les cas, la grande question qui se pose est de savoir si la diplomatie pourra encore freiner une progression rebelle qui, selon le Burundi, vise désormais Uvira, Fizi et Kalemie avant Noël ?

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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