Younes El Ballouti arrêté au Maroc : nouveau coup porté à la Mocro Maffia


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El Ballouti
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L’arrestation de Younes El Ballouti au Maroc vient relancer l’attention sur l’une des familles les plus influentes du crime organisé européen. Frère du baron de la drogue Othman El Ballouti, il incarne une génération de trafiquants ancrés dans les réseaux transnationaux de la Mocro Maffia. Leur empire, bâti entre l’Europe, l’Amérique latine et le Golfe, mêle cocaïne, blanchiment et violences extrêmes.

Une famille au cœur du crime organisé européen

Younes « El Magico » El Ballouti, frère cadet du célèbre baron de la drogue Othman El Ballouti, a été arrêté par les autorités marocaines dans un salon de chicha à Tanger. Cette arrestation marque une nouvelle étape dans la lutte contre l’emprise de la Mocro Maffia sur le trafic de cocaïne entre l’Amérique latine et l’Europe. Selon les médias belges, Younes El Ballouti aurait été interpellé en possession d’un passeport falsifié. Déjà condamné à plusieurs reprises en Belgique pour trafic de stupéfiants, il restait plusieurs années de peine à purger. Contrairement à son frère Othman, récemment extradé de Dubaï, Younes s’était réfugié au Maroc bien avant l’ouverture de procédures internationales à son encontre.

Originaires d’Al Hoceima, au nord du Maroc, les El Ballouti sont décrits comme l’une des familles les plus puissantes de la pègre anversoise. Leur richesse, alimentée par le trafic de cocaïne, a été estimée à plus de 100 millions d’euros, dont une partie considérable investie dans l’immobilier à Dubaï. Cette notoriété criminelle s’est aussi accompagnée d’un climat de violence extrême. En 2023, la nièce d’Othman El Ballouti, âgée de 11 ans, a été tuée à Anvers dans une attaque liée à un règlement de comptes. Quant à Younes, il a été kidnappé en 2017 par un gang rival, détenu et torturé pendant plus d’un mois avant de réussir à s’échapper.

La chute d’Othman El Ballouti, le « roi de la cocaïne »

Figure centrale de la Mocro Maffia, Othman El Ballouti a été arrêté à Dubaï fin 2024 et extradé vers la Belgique en juillet 2025. Surnommé « le Patron » ou « le roi de la coke », il avait fui la justice belge dès 2016, tirant parti de l’absence de traité d’extradition avec les Émirats arabes unis à l’époque. Son arrestation par les forces de sécurité de Dubaï a marqué un tournant. Ce Belgo-Marocain de 38 ans était recherché par Interpol et Europol pour trafic de drogue à grande échelle. Son extradition, menée à bord d’un avion militaire belge, a été permise par un accord bilatéral signé en 2021 entre la Belgique et les Émirats.

Né dans le quartier populaire de Borgerhout à Anvers, Othman El Ballouti a commencé comme simple docker, un poste qui lui a permis d’avoir un accès stratégique aux conteneurs du port. Il s’est ensuite hissé au sommet du trafic de cocaïne en acceptant des paiements en nature plutôt qu’en argent, créant ainsi sa propre filière d’approvisionnement. Son ascension fulgurante dans l’univers de la drogue lui a permis d’entretenir des relations étroites avec des figures d’envergure du crime international. Il aurait notamment vendu un bien immobilier à Alejandro Salgado Vega, dit « El Tigre », considéré comme l’un des plus grands trafiquants espagnols.

La Mocro Maffia : un réseau criminel tentaculaire

L’affaire El Ballouti illustre la puissance de la Mocro Maffia, une organisation criminelle d’origine marocaine née aux Pays-Bas dans les années 1990. Initialement impliquée dans le trafic de cannabis, elle s’est rapidement tournée vers la cocaïne, bien plus lucrative. Aujourd’hui, la Mocro Maffia contrôle une part significative du marché européen de la drogue. Les ports d’Anvers et de Rotterdam sont devenus les principales plaques tournantes du trafic, avec des cargaisons de plusieurs tonnes de cocaïne régulièrement interceptées. En 2022, plus de 110 tonnes ont été saisies au port d’Anvers.

La force de la Mocro Maffia repose autant sur sa brutalité que sur sa capacité à corrompre. Leur devise, « Wie praat, die gaat » (« Celui qui parle, meurt »), met en exergue leur politique de terreur. Le meurtre du journaliste d’investigation Peter de Vries en 2021 à Amsterdam a choqué l’Europe. Il symbolise la montée en puissance de cette nouvelle forme de criminalité. L’argent issu de la drogue est blanchi principalement à travers l’immobilier, notamment à Dubaï, mais aussi via le secteur des diamants à Anvers. Des centaines de millions d’euros circulent entre les différents centres financiers européens, notamment les Pays-Bas, considérés comme un eldorado pour le recyclage d’argent sale.

L’ombre des cartels latino-américains

La Mocro Maffia ne travaille pas seule. Elle entretient des relations étroites avec les grands cartels sud-américains, comme le cartel de Sinaloa. En 2023, un conflit sur une cargaison aurait opposé El Ballouti à Vicente Zambada, fils d’un proche d’El Chapo, illustrant les tensions même entre géants du trafic. Les autorités américaines ont d’ailleurs inscrit Othman El Ballouti sur leur liste noire en 2023 pour son rôle dans l’importation de cocaïne aux États-Unis. Cette reconnaissance internationale souligne l’ampleur du réseau dirigé depuis l’Europe par des figures comme El Ballouti.

Au-delà du crime organisé, l’histoire des frères El Ballouti met en lumière des fractures sociales plus profondes. Le parcours d’Othman, depuis les docks d’Anvers jusqu’aux palaces de Dubaï, est celui d’une ascension criminelle permise par l’échec des politiques d’intégration dans certaines banlieues européennes. Pour une partie de la jeunesse issue de l’immigration marocaine, le crime est perçu comme l’un des rares moyens d’ascension sociale. Un constat partagé par plusieurs experts.

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Je suis passionné de l’actualité autour des pays d’Afrique du Nord ainsi que leurs relations avec des États de l’Union Européenne.
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