
L’arrestation de grandes figures du trafic de drogue comme Omar Govers, alias « Patje Haemers », et Nordin El Hajjioui, dit « Dikke Nordin », a mis la lumière sur un empire criminel ancré à Anvers et étendu jusqu’à Dubaï et Tanger. Basé sur l’importation massive de cocaïne via le port d’Anvers, ce réseau international usait de techniques sophistiquées pour échapper aux contrôles. Malgré des peines lourdes et des saisies records, plusieurs barons restent insaisissables.
L’affaire qui secoue actuellement la Belgique et plusieurs pays étrangers jette un coup de projecteur sur les agissements d’un des trafiquants les plus notoires d’Anvers : Omar Govers, alias « Patje Haemers ». Admirateur déclaré du célèbre gangster belge Patrick Haemers, Govers s’est bâti un empire criminel basé sur l’importation massive de cocaïne via le port d’Anvers, aujourd’hui considéré comme l’un des plus grands hubs de la drogue en Europe.
Condamné à plusieurs reprises, Govers continue à défier la justice. Le tribunal d’Anvers vient de le condamner à 20 ans de prison, en plus de précédentes peines, pour son implication dans l’importation de plus de 26 tonnes de cocaïne, d’une valeur estimée à 2 milliards d’euros. En cavale à Dubaï depuis plusieurs années, il reste jusqu’à présent hors de portée des autorités belges.
Un système de « switch » bien rodé
La stratégie employée par Govers et ses complices, notamment Mounir El Bartali alias « Gino », repose sur une méthode bien connue : le « switch ». Elle consiste à transférer la drogue de conteneurs sud-américains vers des conteneurs européens pour échapper aux contrôles douaniers. En 2020, trois cargaisons ont été interceptées au port d’Anvers, totalisant plus d’une tonne de cocaïne. Ces saisies ont permis aux enquêteurs de remonter jusqu’au cœur de l’organisation.
Le tribunal a récemment prononcé une nouvelle peine de 10 ans de prison contre Govers et 12 ans pour El Bartali. Mais les deux hommes, réfugiés respectivement à Dubaï et Tanger, restent introuvables malgré l’émission de nouveaux mandats d’arrêt. La justice a également ordonné la confiscation de 6 millions d’euros issus des activités criminelles.
Des peines lourdes, mais peu de détenus
Si les condamnations s’enchaînent, les arrestations, elles, sont plus difficiles. À ce jour, Omar Govers totalise 53 années de prison prononcées contre lui, tandis que Mounir El Bartali cumule 49 ans. Ces deux figures de la pègre belgo-marocaine sont considérées comme les cerveaux d’un réseau international de trafic de stupéfiants qui s’étend de la Belgique au Moyen-Orient.
D’autres membres de l’organisation ont également été jugés. Naoufel A., technicien chez Medrepair, s’est vu infliger une peine de 5 ans de prison, tandis qu’un autre complice, Illias El H., a été condamné à 6 ans. Les peines prononcées pour les autres accusés oscillent entre 4 et 8 ans de réclusion.
La filière de Belloy-en-France : cannabis et arrestations
Les ramifications du réseau ne s’arrêtent pas aux frontières belges. En France, une importante saisie a été réalisée en décembre 2022 à Belloy-en-France, dans la ZAC de l’Orme. Un renseignement anonyme avait mis la puce à l’oreille des agents de l’Ofast. Sur place, 1 055 kg de cannabis très concentré ont été saisis, ainsi que 18 kg supplémentaires dans un local attenant. La valeur totale de la marchandise oscille entre 3,5 et 8 millions d’euros.
Lors de cette opération, cinq personnes ont été arrêtées et six ont été condamnées à des peines allant de 4 à 8 ans de prison. L’un des accusés clés, Mohamed Y., arrêté au Maroc, a été extradé vers la France. Il a été reconnu coupable de complicité de détention de stupéfiants et condamné à 7 ans de prison et 70 000 euros d’amende, malgré sa relaxe pour les faits d’importation et d’association de malfaiteurs.
« Dikke Nordin », l’autre caïd tombé de son trône
Un autre nom revient régulièrement dans les dossiers de la justice belge : Nordin El Hajjioui, surnommé « Dikke Nordin ». Né à Anvers, ce Belgo-Marocain s’est imposé dès son plus jeune âge dans le trafic de drogue, avant de devenir l’un des plus gros barons de la cocaïne du pays. Sa carrière criminelle s’est accélérée après sa rencontre avec Samir Bouyakhrichan, dit « Scarface », figure centrale du milieu.
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Après l’assassinat de ce dernier, Dikke Nordin prend les rênes du réseau avec l’aide de « Karim Taxi ». Il développe notamment des opérations avec le bodybuilder « Frank De Tank », bien que leur collaboration se solde par un conflit violent à cause d’un chargement disparu et de 400 000 euros envolés. En 2017, la police démantèle le gang de Frank, mais Nordin, lui, s’est déjà envolé pour Dubaï.
Extradition de Dubaï et chute finale
Depuis les Émirats arabes unis, Nordin continue à tirer les ficelles du trafic anversois, jusqu’au jour où un appel d’urgence en 2019 alerte la police. La compagne d’un membre du réseau se tire accidentellement une balle dans le pied. Les investigations qui suivent permettent d’arrêter dix personnes et de remonter au réseau de « Dikke Nordin ».
En 2020, il est brièvement arrêté à Dubaï, relâché, puis à nouveau interpellé en 2023. Grâce au traité d’extradition signé en 2021 entre la Belgique et les Émirats, la justice belge réussit à le faire extrader en mars 2025. Il arrive à Anvers à bord d’un avion militaire, visiblement affaibli, se déplaçant en fauteuil roulant. Il est désormais poursuivi dans plusieurs grandes affaires et risque jusqu’à 25 ans de prison.