
Alors que l’été 2025 ne fait que commencer, les pays du Maghreb font déjà face à des vagues de chaleur exceptionnelles qui mettent leurs réseaux électriques sous tension extrême. La climatisation massive pousse la consommation d’électricité vers des records historiques, révélant les défis énergétiques d’une région confrontée à des températures de plus en plus extrêmes.
L’Algérie :des pics électriques inédits dès juillet
En ce début d’été 2025, l’Algérie vit déjà une situation énergétique exceptionnelle. La Société Nationale de l’Électricité et du Gaz (Sonelgaz) a enregistré une série de pics de consommation successifs qui pulvérisent tous les records précédents. Le point culminant a été atteint le 15 juillet à 14h45, avec une demande phénoménale de 19 770 mégawatts.
Cette explosion de la demande électrique trouve notamment son origine dans l’utilisation massive des climatiseurs face à des températures caniculaires. Dans plusieurs wilayas algériennes, le thermomètre a régulièrement dépassé les 45°C, transformant la climatisation d’un confort en une nécessité vitale. À Bordj Badji Mokhtar et Bidon 5, situées au cœur du Sahara, les températures ont atteint respectivement 45,5°C et 45,2°C, plaçant ces villes parmi les plus chaudes de la planète.
Ce troisième pic enregistré en juillet seulement témoigne d’une accélération de la demande énergétique sans précédent. Les climatiseurs, qui représentent désormais la principale source de consommation électrique pendant les périodes estivales, fonctionnent en continu dans les foyers, les bureaux et les commerces pour maintenir des conditions de vie supportables. En outre, les entreprises du secteur tertiaire sont contraintes de faire tourner leurs systèmes de refroidissement 24h/24, tandis que les centres commerciaux, les hôpitaux et les administrations voient leurs factures énergétiques s’envoler.
Cependant, malgré cette demande exceptionnelle, le groupe Sonelgaz a réussi à maintenir l’approvisionnement sans recourir au délestage. En outre, il a préservé ses exportations d’électricité vers la Tunisie à hauteur de 600 mégawatts quotidiens. Cette performance témoigne des investissements réalisés ces dernières années dans le renforcement du parc de production, qui atteint désormais plus de 28 000 mégawatts de capacité installée.
Le Maroc : Un système électrique à l’épreuve de la canicule précoce
Le royaume chérifien n’échappe pas à cette tendance. Dès la fin juin, le système électrique national a été mis à rude épreuve. Le 30 juin 2025, la consommation a atteint un pic historique de 7,9 gigawatts, enregistrant une hausse spectaculaire de près de 5% par rapport à la même période en 2024.
Cette augmentation précoce inquiète les autorités marocaines. La ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, a souligné que cette pression sur le réseau électrique pourrait encore s’intensifier dans les semaines à venir, alors que les températures les plus élevées de l’été sont encore attendues.
La encore, l’explosion de la demande s’explique principalement par la généralisation des équipements de climatisation dans les zones urbaines. À Casablanca, Rabat et Marrakech, l’installation de climatiseurs dans les logements et les bureaux s’est accélérée ces dernières années, créant une demande énergétique nouvelle et massive pendant les périodes de forte chaleur.
Comme en Algérie, les entreprises doivent maintenir des conditions de travail acceptables, tandis que les ménages font face à des températures intérieures insupportables sans climatisation. Mais le parc immobilier marocain a davantage besoin d’aêtre adapté aux nouvelles réalités climatiques.
C’est pourquoi, en collaboration avec l’Agence marocaine pour l’efficacité énergétique (AMEE), des initiatives visent à promouvoir un retour aux techniques de construction traditionnelles, notamment l’usage de pierres sèches capables de maintenir des températures agréables lors des pics de chaleur.
La Tunisie entre records de consommation et dépendance régionale
Bien que plus modeste en valeur absolue, la Tunisie connaît également des tensions énergétiques significatives. Le 10 juillet, le pays a enregistré un record de consommation électrique à 4 692 mégawatts, directement lié à l’utilisation intensive des climatiseurs dans un contexte de températures exceptionnelles.
Cette situation met en évidence la vulnérabilité particulière de la Tunisie, qui dépend en partie des importations d’électricité algérienne pour couvrir ses besoins. Heureusement, l’Algérie a pu maintenir ses exportations vers son voisin tunisien malgré ses propres pics de consommation, démontrant la solidité relative de son infrastructure énergétique.
En Tunisie, les effets de cette canicule sur la consommation électrique révèlent aussi des inégalités sociales. De nombreux habitants des quartiers populaires, souvent dépourvus de climatisation, cherchent des solutions alternatives. Certains passent leurs nuits sur les plages de Carthage et La Marsa pour échapper à la chaleur étouffante de leurs logements.
Cette situation illustre le défi social que représente l’accès à la climatisation : devenue quasi-indispensable pour supporter les températures estivales, elle reste inaccessible à une partie significative de la population, créant de nouvelles formes d’inégalités face au changement climatique.
Les défis techniques et économiques de la climatisation massive
L’explosion de la demande en climatisation pose des défis techniques considérables aux opérateurs électriques de la région. Les réseaux de distribution, souvent vieillissants, peinent à absorber ces pics de consommation concentrés sur quelques heures de la journée.
La situation est d’autant plus délicate que les climatiseurs consomment massivement au moment où la production électrique est la plus sollicitée. Les centrales doivent fonctionner à plein régime pendant les heures les plus chaudes, souvent en début d’après-midi, créant des tensions sur l’ensemble du système électrique. En outre, en rejetant de l’air chaud les climatiseurs actuellement utilisé réchauffe encore la température moyenne, aggravant la situation.
Cette réalité force les pays maghrébins à repenser leur stratégie énergétique. L’Algérie mise sur l’expansion de son parc de production, avec notamment la mise en service partielle de la centrale de Mostaganem, qui devrait injecter 450 mégawatts supplémentaires sur le réseau. Le Maroc, de son côté, intensifie ses investissements dans les énergies renouvelables pour répondre à cette demande croissante.
Les gouvernements de la région prennent conscience de l’ampleur du défi. Au Maroc, des initiatives émergent pour promouvoir l’efficacité énergétique des bâtiments et encourager l’usage de climatiseurs moins énergivores. En Algérie, Sonelgaz multiplie les campagnes de sensibilisation pour une utilisation rationnelle de l’électricité pendant les pics de consommation.
Cependant, ces mesures restent insuffisantes face à l’ampleur du phénomène. La généralisation de la climatisation semble inéluctable dans un contexte de réchauffement climatique, obligeant les pays maghrébins à anticiper des besoins énergétiques estivaux de plus en plus importants.