
La vente illégale de médicaments abortifs refait surface au Bénin, cette fois via un compte TikTok baptisé « Avortement 2290 ». Plusieurs personnes ont été interpellées après avoir diffusé des contenus publicitaires incitant à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sans encadrement médical. Une enquête du Centre national d’investigations numériques a révélé l’existence d’un réseau actif sur les réseaux sociaux, mettant en danger la santé publique.
Le Centre national d’investigations numériques (CNIN) du Bénin a annoncé l’interpellation de plusieurs individus accusés d’avoir diffusé des contenus publicitaires liés à des médicaments destinés à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) sur les réseaux sociaux. L’enquête a révélé que ces personnes opéraient à travers un compte TikTok baptisé « Avortement 2290 », utilisé pour promouvoir la vente en ligne de produits médicaux interdits.
Interdiction de toute publicité de médicaments auprès du public
Les mis en cause proposaient à leur audience des médicaments présentés comme des solutions rapides pour provoquer des avortements, sans encadrement médical ni autorisation de mise sur le marché. Les autorités ont procédé à une perquisition à leur domicile, où une quantité significative de médicaments a été saisie. Ces produits, jugés dangereux, ont été qualifiés de « faux » par les autorités sanitaires, car ils ne répondent à aucune norme pharmaceutique en vigueur. Le CNIN a souligné que les faits reprochés constituent une violation flagrante de l’article 37 du décret n°2024-1297 du 6 novembre 2024, qui interdit toute publicité de médicaments auprès du public, qu’ils soient en vente libre ou sur prescription.
Ce cadre juridique vise à protéger la population contre les risques de consommation de substances non autorisées, souvent vendues par des personnes sans qualification dans le domaine de la santé. Les personnes arrêtées devront désormais répondre de leurs actes. L’affaire, très médiatisée dans le pays, relance le débat sur l’accès à l’information médicale fiable, la régulation du contenu diffusé sur les plateformes numériques, mais aussi sur les conditions de recours à l’IVG dans les pays africains.
Une pratique illégale mais répandue
L’affaire du compte « Avortement 2290 » n’est pas un cas isolé au Bénin. Depuis quelques années, les réseaux sociaux sont devenus un véritable marché parallèle pour la vente de produits médicaux, souvent illégaux. Faute de moyens, de sensibilisation ou d’accès à des structures médicales fiables, de nombreuses femmes se tournent vers des solutions en ligne pour des soins délicats comme l’IVG. En 2023, une autre affaire similaire avait défrayé la chronique à Cotonou. Une femme de 25 ans avait été hospitalisée en urgence après avoir consommé un médicament acheté via une page Facebook vantant ses effets « garantis » pour provoquer un avortement à domicile.
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L’enquête avait alors mis les projecteurs sur un réseau structuré, opérant depuis plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest. Ce phénomène ne concerne pas uniquement le Bénin. Dans plusieurs pays africains, des réseaux de vente illégale de médicaments abortifs se développent sur les plateformes numériques. Au Nigeria, les autorités ont démantelé en 2024 un vaste réseau utilisant WhatsApp et Instagram pour vendre des pilules abortives à des femmes, souvent jeunes, mal informées et dans la détresse. Les produits étaient expédiés par colis sans aucun contrôle de qualité, et plusieurs cas de complications médicales graves ont été recensés.
La Côte d’Ivoire et le Sénégal non épargnés
En Côte d’Ivoire, une enquête menée en 2022 par une ONG locale avait révélé que près de 40% des femmes ayant eu recours à un avortement clandestin l’avaient fait en s’appuyant sur des conseils trouvés en ligne ou via des influenceurs se présentant comme des « experts médicaux ». Dans la plupart des cas, les produits utilisés n’étaient pas conformes aux normes pharmaceutiques internationales.
Même au Sénégal, pays où l’avortement est très strictement encadré par la loi, des comptes anonymes sur Telegram et Facebook se multiplient, proposant discrètement des médicaments contre de fortes sommes d’argent. Là encore, les risques pour la santé sont énormes. Face à cette prolifération de médicaments illégaux et à la banalisation de leur promotion sur les réseaux sociaux, les autorités béninoises affirment leur détermination à renforcer les mécanismes de contrôle numérique. Le CNIN insiste sur la vigilance à adopter par les internautes, en particulier les jeunes femmes souvent ciblées par ces publicités trompeuses.