
L’extradition de Dubaï vers la Belgique du narcotrafiquant belge d’origine marocaine Othman El Ballouti, figure emblématique de la Mocro Maffia, met en lumière l’emprise de ce cartel sur le trafic de cocaïne européen. Condamné à 27 ans de prison pour l’importation de près de 12 tonnes de cocaïne, ce « roi de la coke » de 38 ans incarne la puissance d’une organisation criminelle qui a transformé les ports d’Anvers et Rotterdam en plaques tournantes de la drogue en Europe, semant violence et corruption sur son passage.
L’extradition d’Othman El Ballouti, 38 ans, de Dubaï vers la Belgique ce dimanche 13 juillet 2025 marque un tournant décisif dans la lutte contre le narcotrafic européen. Surnommé « Patron » ou « le roi de la coke« , ce baron de la drogue d’origine marocaine incarnait à lui seul la puissance et l’impunité de la Mocro Maffia, cette organisation criminelle qui a transformé les ports d’Anvers et Rotterdam en plaques tournantes duMocro trafic de cocaïne en Europe.
Arrêté fin 2024 dans son refuge doré des Émirats arabes unis, El Ballouti a été ramené en Belgique à bord d’un Dassault Falcon 7X de l’armée de l’air belge, accompagné de deux autres narcotrafiquants, Giorgi Faes et Mathias Akyazili. Cette opération a été rendue possible grâce à l’accord d’extradition signé en 2021 entre la Belgique et les Émirats. Elle met fin à des années d’impunité pour celui qui était considéré comme l’un des criminels les plus recherchés d’Europe.
Un parcours criminel emblématique de la Mocro Maffia
Né le 8 octobre 1986 à Anvers dans le quartier de Borgerhout, Othman El Ballouti représente l’archétype du parcours criminel au sein de la Mocro Maffia. Issu d’une famille originaire d’Al Hoceïma dans le Rif marocain, il a gravi les échelons du crime organisé en commençant comme docker au port d’Anvers, position stratégique qui lui permettait de vider les conteneurs remplis de cocaïne sous le nez des autorités.
Sa fortune, estimée par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project à plus de 100 millions d’euros. Ainsi, elle illustre l’ampleur du business de la cocaïne contrôlé par les réseaux marocains. El Ballouti possédait notamment pour 8 millions d’euros de biens immobiliers à Dubaï, où il s’était réfugié depuis 2016 pour échapper à la justice belge. Il avait d’ailleurs récemment vendu un appartement pour 1,5 million d’euros à Alejandro Salgado Vega, dit « El Tigre« , un trafiquant notoire espagnol.
La Mocro Maffia : un empire criminel transnational
L’arrestation d’El Ballouti met en lumière l’emprise de la Mocro Maffia sur le trafic de drogue en Europe. Cette organisation est née dans les années 1990 de la reconversion de familles marocaines du trafic de haschich vers la cocaïne plus lucrative. Désormais, elle contrôle aujourd’hui un tiers du marché européen de la cocaïne selon les experts.
Les ports d’Anvers et Rotterdam sont devenus les principales portes d’entrée de la cocaïne en Europe, dépassant l’Espagne. En 2020, 65,6 tonnes de cocaïne ont été interceptées au port d’Anvers, un chiffre qui a quasi doublé en 2022. Le port belge, avec sa capacité de traiter plus de 15 000 conteneurs par cargaison, offre des conditions idéales pour les trafiquants qui exploitent l’impossibilité matérielle de contrôler l’ensemble des marchandises.
L’organisation opère selon la devise glaçante « Wie praat, die gaat » (« Celui qui parle, mourra« ). Cette politique de terreur a franchi des lignes rouges inédites avec l’assassinat du journaliste d’investigation Peter de Vries en juillet 2021 à Amsterdam, tué pour ses enquêtes sur le cartel.
L’histoire personnelle d’El Ballouti illustre cette spirale de violence. Sa nièce Firdaous, âgée de seulement 11 ans, a été tuée en janvier 2023 lors d’une fusillade visant le domicile familial à Merksem, victime collatérale d’une guerre entre gangs rivaux. Son frère Younes « El Magico » a été enlevé et torturé pendant 37 jours en 2017 avant de parvenir à s’échapper.
Corruption et blanchiment : les piliers du système
La réussite de la Mocro Maffia repose largement sur sa capacité à corrompre les fonctionnaires et employés portuaires. Comme l’explique François Farcy, expert en criminalité organisée, « une tonne de cocaïne peut se vendre à des millions d’euros, donc le fait pour les organisations criminelles de payer un docker, un douanier, un policier ou un agent de sécurité quelques milliers d’euros constitue une goutte d’eau. »
Le blanchiment d’argent s’opère principalement à travers l’immobilier, notamment à Dubaï où de nombreux barons de la drogue ont investi leurs fortunes criminelles, mais aussi via le secteur des diamants à Anvers, capitale mondiale du négoce de pierres précieuses. Les Pays-Bas, avec leur secteur financier internationalisé et numérisé, offrent des conditions idéales pour le recyclage des profits du crime, avec une estimation de 16 milliards d’euros blanchis chaque année.
L’influence de la Mocro Maffia ne se limite pas aux Pays-Bas et à la Belgique. Le cartel a tissé des liens étroits avec les cartels colombiens et mexicains, notamment le cartel de Sinaloa. En 2023, Vicente Zambada, fils du bras droit d’El Chapo, aurait menacé El Ballouti pour un conflit sur une cargaison de plusieurs tonnes de cocaïne destinée à l’Europe. Les États-Unis ont d’ailleurs placé El Ballouti sur leur liste noire en 2023 . Le sanctionnant pour son rôle dans l’importation de cocaïne sur le territoire américain.
Le phénomène de la Mocro Maffia soulève des questions sociétales profondes sur l’intégration des communautés issues de l’immigration marocaine en Europe. Le parcours d’El Ballouti, depuis les quartiers populaires d’Anvers jusqu’aux palaces de Dubaï, reflète les dérives d’une jeunesse qui trouve dans le crime organisé des opportunités de réussite sociale que la société légale peine à offrir.