
Le secteur marocain de l’avocat traverse une phase critique, marqué par un blocage quasi total des expéditions et une pression commerciale accrue sur ses débouchés traditionnels. Alors que les producteurs disposent cette année d’une récolte de haute qualité, la chute des cours européens et l’invasion des marchés par les origines sud-américaines bouleversent les équilibres habituels. Cette conjoncture pousse les acteurs de la filière à ralentir leurs opérations et à miser sur une amélioration progressive de la demande, en espérant une reprise dès le début de l’année prochaine.
Alors que la nouvelle campagne d’exportation vient tout juste d’être lancée, la filière marocaine de l’avocat traverse une zone de turbulence sans précédent. Face à l’effondrement des prix en Europe et à une concurrence internationale particulièrement agressive, la majorité des producteurs ont cessé le ramassage des fruits, préférant attendre une amélioration du marché avant de relancer leurs activités.
Exportations pratiquement à l’arrêt
Hormis quelques grands groupes dotés de leurs propres infrastructures de conditionnement et de transport, l’essentiel du secteur de l’avocat est à l’arrêt. Les exploitations indépendantes, qui constituent le cœur de la filière, ont suspendu leurs récoltes en raison d’un désaccord tarifaire avec les exportateurs. Les agriculteurs exigent en effet de maintenir les niveaux de rémunération de la saison précédente, tandis que les exportateurs assurent qu’il leur est impossible de s’aligner sur ces tarifs dans le contexte actuel de chute des cours en Europe.
Cette crise intervient alors même que la production marocaine affiche cette année une qualité remarquable. Les fortes chaleurs estivales ont réduit les rendements, permettant aux fruits restants d’atteindre des calibres supérieurs et une concentration nutritive accrue. Des caractéristiques habituellement très recherchées sur le marché européen. Mais cela ne suffit pas à compenser la pression concurrentielle.
Une concurrence colombienne de plus en plus redoutable
Les arrivages massifs du Pérou, du Chili et de la Colombie saturent les rayons et tirent les prix vers le bas, laissant peu d’espace aux producteurs marocains. Dans ce contexte, les professionnels du secteur ont fait le choix d’attendre. Ils misent sur une baisse progressive des stocks sud-américains et sur une reprise de la consommation européenne après le traditionnel ralentissement de décembre. Janvier pourrait ainsi marquer un point de rebond pour les exportateurs marocains.
Le Maroc a exporté près de 60 000 tonnes d’avocats lors de la dernière campagne, dont 80% à destination de l’Europe. Mais la Colombie, désormais devenue l’un des géants mondiaux du secteur, a expédié presque le double, vers une trentaine de pays. Pour combler cet écart, le royaume mise sur sa proximité géographique avec l’Europe, la qualité de ses productions et l’extension progressive des surfaces plantées. Le Maroc propose plusieurs variétés, dont le Zukano, la Fuerte (juin-août) et surtout la Hass (octobre-avril), référence mondiale du marché.
Troisième année consécutive de prix en baisse
Cette crise s’inscrit dans une tendance durable : cela fait trois étés consécutifs que le prix du carton de 4 kg chute, passant cet été d’une moyenne de 12 euros à environ 8,50 euros. Même scénario l’hiver dernier. L’essor simultané des productions du Mexique, du Chili, de la Colombie, mais aussi d’Israël, d’Espagne et du Maroc contribue à cette baisse généralisée. Malgré ces difficultés conjoncturelles, les perspectives à long terme demeurent encourageantes.
Selon les données du Cirad, le marché mondial de l’avocat progresse d’environ 12% par an, une croissance spectaculaire comparée aux autres fruits, dont les ventes augmentent à peine de 2% par an. De quoi inciter les producteurs marocains à maintenir le cap, dans l’espoir d’un redressement rapide des prix et d’un retour à la compétitivité sur leurs marchés traditionnels.





