Vacillement de l’ordre constitutionnel en Afrique de l’Ouest et au Sahel (ONU)


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Afrique de l'Ouest
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L’Afrique de l’Ouest et le Sahel connaissent une fragilité croissante : coups d’État, expansion de l’extrémisme violent et crise humanitaire. Barri Freeman, de l’UNOWAS, alerte le Conseil de sécurité de l’ONU sur l’instabilité qui gagne les États côtiers et menace la région entière.

Fragilité politique : l’instabilité gagne les États côtiers

L’Afrique de l’Ouest et le Sahel marchent sur des œufs. Entre coups d’État successifs, violences extrémistes en expansion, États côtiers gagnés par l’instabilité sahélienne et une crise humanitaire que l’aide internationale peine à contenir, le tableau est sombre. C’est ainsi que Barri Freeman, du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), représentante de Leonardo Santos Simao, a présenté la situation lors d’une réunion du Conseil de sécurité.

La fragilité politique, longtemps cantonnée aux États sahéliens, gagne désormais des pays côtiers jugés plus solides. La tentative de coup d’État déjouée au Bénin le 7 décembre dernier et la prise de contrôle du pouvoir par l’armée en Guinée-Bissau le 26 novembre ont brutalement rappelé que nul n’est à l’abri. Dans les deux cas, les ressorts sont similaires : contestation de processus politiques verrouillés, crispations sécuritaires et défiance envers les institutions.

De la Côte d’Ivoire à la Guinée, du Bénin à la Gambie, les échéances électorales deviennent des moments de tension extrême. L’exclusion de candidats de l’opposition, les restrictions de l’espace civique et les discours clivants érodent le socle démocratique. « La tentative de coup d’État du 7 décembre au Bénin souligne une fois encore la nécessité de vastes consultations et de transparence dans les processus de réforme constitutionnelle et institutionnelle », a insisté Mme Freeman.

Face à ces dérives, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) tente de maintenir un front commun. En Guinée-Bissau, elle a encadré une transition courte et inclusive, assortie de menaces de sanctions ciblées. « La position unie adoptée sur la Guinée-Bissau, conjuguée à la réaction de la CEDEAO face à la tentative de coup d’État au Bénin, illustre le rôle essentiel que joue l’organisation dans la région », a rappelé la représentante de l’UNOWAS.

Extrémisme violent et crise humanitaire au Sahel

La crise politique n’est qu’une facette d’un déséquilibre plus profond. Le Sahel demeure « l’épicentre mondial de l’extrémisme violent ». Au Mali, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM ou JNIM) asphyxie l’économie en ciblant les corridors commerciaux, coupant Bamako de carburant et de produits essentiels via un blocus concerté. Les convois escortés par l’armée malienne ont permis de débloquer la situation, mais les dégâts sont lourds : déplacements massifs, écoles fermées, populations épuisées.

La menace déborde les frontières sahéliennes. Les groupes affiliés à Al-Qaïda et à Daech progressent vers les pays côtiers, tandis que dans le bassin du lac Tchad, Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest multiplient les attaques. Au Nigeria, les enlèvements contre rançon ciblent particulièrement les écoliers.

Les États du Sahel central investissent massivement dans leurs capacités militaires, mais à un coût élevé. « Les dépenses élevées de défense se font au détriment d’autres secteurs essentiels, tels que l’éducation et la santé, laissant sans réponse les causes profondes qui rendent la région vulnérable à l’extrémisme », a prévenu Mme Freeman. S’ajoute l’imbrication entre terrorisme et criminalité organisée, qui infiltre les institutions et propage des drogues de synthèse comme le « kush », un stupéfiant bon marché dévastateur pour la jeunesse.

La situation humanitaire s’aggrave : inondations à répétition, déplacements de masse, chocs climatiques. À la date du rapport, seuls 25% des 3,1 milliards de dollars de l’appel humanitaire des Nations Unies pour le Sahel central avaient été mobilisés. Malgré une croissance économique régionale de 5 à 6%, pauvreté, endettement et chômage minent les sociétés, complétés par des détentions arbitraires, tortures et disparitions forcées.

Dans ce contexte, les initiatives de rapprochement entre la CEDEAO et les États sahéliens, ainsi que le projet de pacte CEDEAO-ONU-Union africaine pour la paix et la résilience, apparaissent indispensables mais fragiles. La désinformation et les accusations croisées minent la confiance. La question reste entière : la médiation, le dialogue et l’aide internationale parviendront-ils à reprendre de vitesse les dynamiques de rupture, des coups d’État aux transitions fragiles, dans une région suspendue à ses contradictions ?

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Franck Biyidi est diplômé de l'IRIC (Institut des Relations Internationales du Cameroun) je suis spécialiste des relations internationales au sein de la Francophonie et de l'Union Africaine et de tout ce qui touche la diplomatie en Afrique francophone
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