
Suite à notre article sur la mobilisation de la société civile pour les tourbières du Congo, Philippe Assompi, président de l’OPET-BC, répond aux interrogations sur le modèle économique et organisationnel de son initiative. Face aux défis de la corruption et aux héritages coloniaux, il détaille sa vision d’une gestion transparente par la société civile congolaise, d’alternatives économiques concrètes pour les communautés locales, et d’une mobilisation culturelle qui dépasse le symbolique. Une approche souveraine qui entend créer « un contre-pouvoir crédible » pour protéger cet écosystème vital tout en améliorant la vie quotidienne des populations.
Vous proposez un fonds onusien géré directement par la société civile congolaise. Concrètement, comment envisagez-vous la gouvernance de ce fonds et quels mécanismes de contrôle garantiraient la transparence tout en évitant la lourdeur bureaucratique qui paralyse souvent l’action environnementale ?
Philippe Assompi : Ce fonds est proposé pour protéger les tourbières du Congo. Il sera géré directement par la société civile congolaise. L’objectif est d’être plus rapide, plus transparent et plus proche des communautés, tout en garantissant un contrôle indépendant et une totale transparence.
Au-delà des institutions onusiennes, avez-vous établi des partenariats avec des organisations environnementales internationales comme le WWF ou Greenpeace ?
Comment positionnez-vous l’OPET-BC par rapport à ces grandes ONG qui ont parfois été critiquées pour leur approche ‘néocoloniale’ de la conservation en Afrique ?
Philippe Assompi : Nous sommes demandeurs de partenariats avec le WWF, Greenpeace ou d’autres ONG internationales, mais sur une base claire : pas de projets imposés de l’extérieur. L’OPET-BC se positionne comme une organisation souveraine, ancrée dans les communautés et mobilisant toutes les compétences et les expertises accessibles, y compris celles des scientifiques de toute origine. Nous travaillons avec tous les partenaires qui respectent cette approche.
Les populations vivant autour des tourbières sont-elles réceptives à votre message de conservation ? Quels projets concrets de développement économique alternatif proposez-vous pour qu’elles ne soient pas tentées par l’exploitation destructrice de ces écosystèmes ?
Philippe Assompi : Les populations sont très réceptives à la conservation, à condition qu’elle s’accompagne d’opportunités économiques réelles. Elles savent que les tourbières sont leur capital naturel, mais elles ont besoin de revenus immédiats pour vivre. C’est pourquoi nous proposons des alternatives concrètes : agroforesterie durable, pisciculture écologique, petits projets d’énergie solaire, valorisation des produits forestiers non ligneux, activités de transformation locale et programmes d’emploi pour la restauration des tourbières. L’idée n’est pas d’interdire, mais d’offrir des solutions économiques qui protègent l’écosystème tout en améliorant la vie quotidienne des familles.
Votre appel aux rappeurs de la diaspora est original. Avez-vous déjà reçu des réponses positives de certains artistes ? Comment comptez-vous structurer cette mobilisation culturelle pour qu’elle dépasse le simple effet d’annonce ?
Philippe Assompi : Nous avons déjà reçu des retours très positifs de certains artistes de la diaspora, qui se disent prêts à s’engager pour les tourbières du Congo. Mais nous ne voulons pas que ce soit seulement symbolique.
Nous structurons cette mobilisation avec des projets concrets : concerts solidaires, campagnes éducatives en ligne, clips collaboratifs et événements communautaires qui génèrent des fonds et sensibilisent les jeunes. L’objectif est que la culture devienne un levier durable de protection environnementale.
Vous évoquez la corruption et l’influence persistante des anciennes puissances coloniales. Face à ces forces structurelles, quels sont vos leviers d’action réels ?
Philippe Assompi : Beaucoup d’observateurs reconnaissent que la corruption et certains héritages coloniaux freinent la protection des tourbières. Mais nous pourrons actionner des leviers tels que : la totale transparence de nos financements, l’implication directe des communautés, et des partenariats internationaux qui exigent des règles claires. Nous ne prétendons pas révolutionner tout le système, mais nous créerons des espaces où l’argent ira vraiment aux populations et où les décisions ne pourront pas être confisquées. C’est ainsi que l’on construit un contre-pouvoir crédible.





