Fally Ipupa met KO Burna Boy, David et Wizkid


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Fally Ipupa
Fally Ipupa

Dans un classement mondial dominé à plus de 30% par les artistes nigérians, le Congolais Fally Ipupa crée la sensation en décrochant la première place des concerts africains les plus rentables. Avec 3,16 millions de dollars de recettes à Paris La Défense Arena, il est le seul francophone d’un top 30 monopolisé par l’Afrobeats anglophone. Une victoire pour la place de la musique francophone africaine sur la scène internationale.

Le 25 novembre 2023 restera gravé dans l’histoire de la musique africaine. Ce soir-là, à Paris La Défense Arena, Fally Ipupa , l’Aigle de Kinshasa a propulsé la rumba congolaise au sommet d’un classement dominé par l’hégémonie nigériane. Avec 3,16 millions de dollars de recettes, il est devenu l’artiste africain ayant réalisé le concert le plus rentable de l’histoire.

Fally Ipupa est l’exception qui confirme la règle

Les chiffres publiés par Africa Facts Zone révèlent une réalité saisissante : sur les 30 concerts africains les plus rentables au monde, 28 sont l’œuvre d’artistes nigérians. Burna Boy à lui seul monopolise 18 places, transformant ce classement en vitrine quasi-exclusive de l’Afrobeats anglophone. Davido et Wizkid complètent ce tableau avec respectivement 4 entrées chacun, suivis d’Asake avec 2 concerts.

Dans cet océan anglophone, Fally Ipupa surgit tel un phare solitaire. Seul francophone, seul représentant de l’Afrique centrale, seul artiste non-nigérian du classement. Et pourtant, c’est lui qui trône au sommet, dépassant même le concert parisien de Burna Boy dans la même salle (2,86 millions de dollars).

La revanche du Lingala sur l’English

Dans un écosystème musical mondial où l’anglais est roi, où les algorithmes favorisent l’Afrobeats, où les grandes maisons de disques misent sur Lagos et Accra, Kinshasa vient rappeler que l’Afrique musicale ne se résume pas à sa façade anglophone.

Les 40 000 spectateurs qui ont fait vibrer La Défense Arena ce soir-là représentaient la force d’une diaspora congolaise et francophone souvent sous-estimée, la vitalité d’une culture musicale qui refuse de se diluer dans les tendances mainstream, et la persistance d’une identité artistique qui puise ses racines dans les clubs enfumés de Matonge et les nganda de Bandal.

Alors que ses homologues nigérians multiplient les dates pour cumuler les revenus – Burna Boy apparaît 18 fois dans le top 30, Fally Ipupa n’y figure qu’une seule fois. Cette preformance est révélatrice d’une approche différente : là où l’industrie anglophone mise sur la quantité et la répétition, l’artiste congolais a privilégié l’événement exceptionnel, le rendez-vous historique.

Le taux de remplissage de 100% et le prix moyen de 60 dollars par billet démontrent que le public francophone est prêt à investir massivement pour ses artistes, contredisant le narratif selon lequel seul le marché anglophone serait économiquement viable pour les artistes africains.

Au-delà des chiffres, un symbole

Ce record un message pour toute une génération d’artistes francophones qui peinent à percer sur la scène internationale. De Bamako à Libreville, de Cotonou à Yaoundé, des milliers de musiciens peuvent désormais rêver qu’eux aussi, sans renier leur langue, sans angliciser leur son, peuvent conquérir les plus grandes scènes du monde.

L’exploit prend une dimension encore plus symbolique quand on sait que Paris La Défense Arena est la plus grande salle d’Europe. C’est dans la capitale de la francophonie que la rumba congolaise a prouvé qu’elle pouvait rivaliser avec les géants de l’Afrobeats.

Reste maintenant à transformer cet exploit en mouvement durable. Le succès isolé de Fally Ipupa met en lumière les défis structurels auxquels font face les artistes francophones : absence de grands labels internationaux investissant dans la musique francophone africaine, circuits de distribution limités, playlists streaming dominées par l’anglophone, festivals internationaux privilégiant l’Afrobeats.

L’annonce d’un concert au Stade de France en mai 2026 suggère que Fally Ipupa compte bien ne pas s’arrêter là. Mais au-delà de sa trajectoire personnelle, c’est tout un écosystème qui doit se mobiliser pour que d’autres artistes francophones puissent suivre la voie qu’il a tracée. La domination nigériane dans le top 30 des concerts les plus rentables est indéniable et mérite respect et admiration. Mais la première place occupée par un artiste congolais chantant en lingala prouve que la diversité culturelle africaine reste sa plus grande richesse. Dans cette symphonie continentale, chaque langue, chaque rythme, chaque tradition a sa partition à jouer.

Masque Africamaat
Kofi Ndale, un nom qui évoque la richesse des traditions africaines. Spécialiste de l'histoire et l'économie de l'Afrique sub-saharienne
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