
L’arrestation récente de Yann Vezilier, un ressortissant français au Mali, a ravivé les tensions déjà fortes entre les autorités de transition maliennes et la diplomatie française. Présenté par Bamako comme un agent des services de renseignement impliqué dans une tentative de déstabilisation de l’État, Vezilier serait, selon Paris, un diplomate accrédité travaillant à l’ambassade de France à Bamako.
Depuis le début du mois d’août, les autorités maliennes ont procédé à une série d’arrestations de militaires, y compris des officiers de haut rang, dans ce qu’elles qualifient de « complot contre les institutions ». Selon le ministère malien de la Sécurité, les arrestations visent un « groupuscule d’éléments marginaux » soupçonnés d’avoir cherché à saboter les efforts de refondation du pays, avec l’aide présumée de puissances étrangères.
La position de Paris : accusations rejetées et appel au respect du droit diplomatique
Face à ces accusations, la réaction de la France s’est d’abord fait attendre, avant de s’exprimer fermement, le 16 août. Par la voix du ministère des Affaires étrangères, Paris a qualifié les allégations portées contre Yann Vezilier de « sans fondements ». Le diplomate est présenté comme un fonctionnaire en poste à l’ambassade, couvert par les dispositions de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques.
La France exige ainsi la libération immédiate de son ressortissant et indique qu’un dialogue est en cours avec les autorités maliennes pour « dissiper tout malentendu ». Ce ton diplomatique masque cependant une réelle crispation entre les deux pays, dont les relations se sont considérablement dégradées depuis l’arrivée au pouvoir de la junte en 2021.
Un climat politique verrouillé à l’intérieur, des voix critiques à l’extérieur
Alors que l’opposition intérieure malienne est muselée, les partis politiques ayant été dissous et leurs activités interdites, des voix discordantes s’élèvent depuis l’exil. Le Front Patriotique de Résistance (FPR), formé de figures de l’opposition en dehors du territoire malien, a dénoncé ce qu’il appelle un « faux complot ». Son porte-parole, Étienne Fakaba, évoque une stratégie de diversion utilisée par la junte pour détourner l’attention de ses échecs en matière de gouvernance.
Selon lui, les arrestations visent autant à semer la peur qu’à réduire au silence toute contestation. Le FPR appelle la junte à produire des preuves tangibles de ses allégations, rappelant qu’en 2022, un précédent « complot » avait été annoncé sans qu’aucune preuve ne soit fournie. Le mouvement demande aussi un retour rapide à l’ordre constitutionnel, n’excluant pas de recourir à des moyens légaux pour faire pression sur les militaires au pouvoir.
Des arrestations massives, mais peu de transparence
Jusqu’à présent, le gouvernement malien n’a donné que peu de détails sur les arrestations en cours. Si les autorités ont reconnu l’implication de civils et de militaires dans ce supposé complot, elles n’ont pas encore présenté de preuves convaincantes pour étayer leurs affirmations. Des sources sécuritaires évoquent au moins 55 personnes arrêtées, dont deux généraux bien connus, Abass Dembélé et Nema Sagara. Des images des personnes arrêtées ont été diffusées à la télévision nationale, accentuant l’effet d’annonce sans offrir d’éléments concrets d’enquête.
Le flou persiste donc autour de la nature exacte de cette affaire. S’agit-il d’un réel complot contre l’État malien ou d’une opération de communication interne pour resserrer les rangs autour du pouvoir militaire ? En l’absence de preuves publiques, la communauté internationale reste prudente, tandis que Paris insiste sur le respect des règles diplomatiques.
Un épisode de plus dans une relation déjà fragile
Cette nouvelle crise diplomatique s’inscrit dans un contexte de défiance croissante entre Bamako et Paris. Depuis la rupture de la coopération militaire avec la France et le rapprochement du Mali avec de nouveaux partenaires comme la Russie, les relations bilatérales sont au plus bas. L’arrestation de Yann Vezilier pourrait bien marquer un nouveau tournant dans ce bras de fer, à la fois diplomatique et idéologique.