Tanzanie : Mwigulu Nchemba nommé Premier ministre dans un climat post-électoral explosif


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Mwigulu Nchemba, nouveau Premier ministre tanzanien
Mwigulu Nchemba, nouveau Premier ministre tanzanien

En pleine tourmente politique, la Présidente tanzanienne, Samia Suluhu Hassan, a nommé, ce jeudi 13 novembre, Mwigulu Nchemba, ancien ministre des Finances, au poste de Premier ministre.

La nomination du nouveau Premier ministre a lieu à un moment où le pays est secoué par une crise post-électorale et des contestations populaires après un scrutin législatif et présidentiel marqué par des accusations de fraude massive et de répression de l’opposition.

Un homme du sérail pour un gouvernement en difficulté

Âgé de 50 ans, Mwigulu Nchemba n’est pas un nouveau venu dans les cercles du pouvoir. Économiste de formation, il est considéré comme un pilier du Chama Cha Mapinduzi (CCM), le parti au pouvoir depuis l’indépendance du pays. Il a occupé plusieurs postes stratégiques au sein des gouvernements successifs : ministre de l’Intérieur, de la Justice, puis des Finances.

Son parcours traduit une fidélité sans faille à la ligne du régime, mais aussi un style autoritaire qui lui vaut une réputation controversée. En tant que ministre de l’Intérieur, il a été éclaboussé par deux affaires restées sans suite : la tentative d’assassinat de l’opposant Tundu Lissu en 2017 et la mort par balle de l’étudiante Akwilina Akwiline en 2018 lors d’une manifestation étudiante. Ces événements continuent de nourrir la défiance d’une partie de la société civile.

Une nomination à la portée politique limitée

Pour la Présidente, Samia Suluhu Hassan, affaiblie par la contestation du scrutin du 29 octobre, cette nomination vise avant tout à rassurer son parti et l’appareil d’État. Mais pour de nombreux observateurs, le choix d’un proche du système ne suffira pas à apaiser la colère populaire. « Sa nomination renvoie un message clair : rien ne va changer », analyse Joseph Oleshangay, militant des droits humains. Avant d’ajouter : « Le pouvoir cherche la continuité, pas la réforme ».

Selon lui, la portée politique de cette décision reste faible, puisqu’une partie de la population tanzanienne constitue de contester l’élection de Samia Suluhu Hassan qu’elle ne reconnaît toujours pas. C’est le cas des opposants réunis autour de Tundu Lissu et de Freeman Mbowe qui continuent de dénoncer un « simulacre de démocratie » et appellent à poursuivre la mobilisation pacifique.

Entre légitimité intérieure et regard international

La nomination de Mwigulu Nchemba pourrait néanmoins avoir un effet d’affichage sur la scène internationale. Ancien ministre des Finances respecté par les bailleurs, il est perçu comme un profil technocratique capable de dialoguer avec les institutions financières. Dans un contexte de ralentissement économique et de tensions budgétaires, ce choix pourrait être interprété comme un signal adressé au FMI et à la Banque mondiale.

À Dodoma, le Parlement a d’ores et déjà approuvé la nomination du nouveau chef du gouvernement, mais la rue reste méfiante. Dans les jours à venir, Mwigulu Nchemba devra composer avec une opposition en ébullition, une société civile sous tension et un pays en quête de réconciliation démocratique.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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