Tanzanie : Tundu Lissu se défend seul face à une justice qu’il accuse de partialité


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Tundu Lissu
Tundu Lissu

Détenu depuis plus de deux mois, le chef de l’opposition tanzanienne Tundu Lissu a choisi de se représenter lui-même au tribunal, dénonçant l’impossibilité de rencontrer ses avocats dans des conditions décentes. Le climat politique est tendu à l’approche des élections générales prévues en octobre.

Accusé de trahison, un crime passible de la peine de mort en Tanzanie, Tundu Lissu continue de défier le régime de Samia Suluhu Hassan. Lundi 16 juin, l’opposant a comparu devant le tribunal de Kisutu à Dar es Salaam, vêtu d’une chemise frappée de l’inscription « Pas de réformes, pas d’élections ». Face au juge, il a annoncé son intention de se défendre seul, expliquant que ses avocats, plus d’une trentaine, se sont vu refuser l’accès au dossier confidentiel depuis son incarcération, il y a 68 jours.

« Pendant tout ce temps, ils n’ont pas pu me parler librement. Je suis obligé de discuter avec eux à travers un téléphone dans une petite pièce, sans aucune garantie de confidentialité », a-t-il déclaré à l’audience.

Une procédure jugée inéquitable

Lissu, figure de proue du parti Chadema, a été arrêté le 9 avril après avoir pris la parole lors d’un rassemblement à Dodoma. Il y plaidait pour une réforme du système électoral, accusant la commission actuelle de favoriser le Chama Cha Mapinduzi (CCM), au pouvoir sans interruption depuis l’indépendance en 1961.

Depuis son arrestation, l’ancien candidat à la présidentielle en 2020 n’a cessé de dénoncer une tentative d’intimidation politique. Il affirme être détenu dans une section de la prison réservée aux condamnés à mort, alors qu’il n’a pas encore été jugé. Il indique également être surveillé 24 heures sur 24, et privé de liberté de culte.

Une figure résiliente face à la répression

Ce n’est pas la première fois que Tundu Lissu se retrouve dans la ligne de mire du pouvoir. En 2017, il avait miraculeusement survécu à une tentative d’assassinat, après avoir été criblé de 16 balles. Depuis, il s’est imposé comme une figure emblématique de l’opposition en Afrique de l’Est.

Le parti Chadema accuse aujourd’hui la présidente Samia Suluhu Hassan de reproduire les méthodes autoritaires de son prédécesseur John Magufuli, malgré un début de mandat marqué par des signes d’ouverture. En mai, deux militants venus du Kenya et de l’Ouganda pour soutenir Lissu ont été arrêtés. Ils affirment avoir été victimes de torture et d’abus sexuels pendant leur détention.

Vers un bras de fer électoral

Alors que la date du procès a été fixée au 1er juillet, les défenseurs des droits de l’homme et plusieurs chancelleries étrangères suivent de près l’évolution du dossier. La Tanzanie, qui se prépare à des élections générales dans quelques mois, pourrait de nouveau basculer dans une dynamique de tensions et de violences politiques, si la voix de l’opposition continue d’être étouffée.

La bataille engagée par Lissu pose clairement question : la Tanzanie est-elle prête à garantir des élections libres, transparentes et équitables en 2025 ?

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