Des centaines de morts dans une répression post-électorale sanglante en Tanzanie


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Darkness in Dar es Salaam
Darkness in Dar es Salaam

Après une élection présidentielle marquée par l’exclusion des principaux opposants, la Tanzanie s’enfonce dans une crise sans précédent. Le parti Chadema affirme que 700 personnes ont été tuées dans la répression des manifestations post-électorales, un bilan contesté par le gouvernement qui nie tout usage excessif de la force. La présidente Samia Suluhu Hassan, réélue avec 97,66% des voix, fait face à une contestation massive de sa légitimité.

La Tanzanie traverse depuis le 29 octobre 2025 une grave crise politique. Le parti d’opposition Chadema affirme que le nombre de morts dans les manifestation s’élève à environ 350 à Dar es-Salaam et plus de 200 à Mwanza, portant le bilan total à environ 700 décès. John Kitoka, porte-parole du parti, base ces chiffres sur des visites dans les hôpitaux à travers le pays.

Le scrutin s’est déroulé dans un contexte de répression sans précédent. Tundu Lissu, leader charismatique du Chadema, fait face à des charges de trahison depuis avril 2025 pour avoir appelé à des réformes électorales. Son parti a été disqualifié pour avoir refusé de signer un code de conduite électoral. Luhaga Mpina, candidat d’ACT-Wazalendo, a également été exclu, laissant la présidente Hassan face à seulement 16 candidats de petits partis qui ont à peine fait campagne.

Une répression violente et des bilans contradictoires

Dès l’annonce des premiers résultats, des manifestations ont éclaté dans plusieurs villes. La police a répondu par des tirs à balles réelles et des gaz lacrymogènes. Le déploiement militaire s’est étendu à Dar es-Salaam, Dodoma et Zanzibar. Internet a été coupé et les réseaux sociaux bloqués alors que les manifestants se mobilisaient avec des hashtags comme #SuluhuMustGo.

Le bilan humain fait l’objet de vives controverses. Des sources sécuritaires et diplomatiques confirment à l’AFP que les morts se comptent « par centaines« . Cependant, le ministre des Affaires étrangères Mahmoud Thabit Kombo nie l’usage de « force excessive« , déclarant que le gouvernement n’a « aucun chiffre officiel« .

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Freedom House a classé la Tanzanie comme « non libre » en 2024, un déclin par rapport au statut « partiellement libre » de 2020. La présidente Samia Suluhu Hassan, arrivée au pouvoir en 2021 après le décès de John Magufuli, avait initialement suscité des espoirs de libéralisation. Mais Amnesty International dénonce maintenant une « vague de terreur«  comprenant « disparitions forcées, torture et exécutions extrajudiciaires« .

La Tanganyika Law Society confirme 83 enlèvements depuis l’arrivée au pouvoir de Hassan, avec 20 autres cas récents. Humphrey Polepole, ancien porte-parole du parti au pouvoir CCM, a disparu après avoir critiqué Hassan, sa famille ayant trouvé des traces de sang à son domicile.

Une jeunesse mobilisée et un pays paralysé

Les manifestations sont largement portées par la génération Z et de jeunes milléniaux frustrés, rappelant les mouvements similaires au Kenya, au Maroc et à Madagascar. Cette mobilisation reflète un mécontentement profond face au CCM, au pouvoir depuis l’indépendance en 1961.

Une grande partie de la colère vise le fils de la présidente, Abdul Halim Hafidh Ameir, accusé de diriger une « task force informelle » supervisant la répression. La crise a paralysé le pays : transports interurbains annulés, liaisons maritimes suspendues, couvre-feu nocturne et ordre de télétravail pour les fonctionnaires.

L’Union européenne a condamné l’élection. Le Parlement européen réclame la libération immédiate de Tundu Lissu, déclarant que le vote s’est déroulé dans une atmosphère de « répression, d’intimidation et de peur« .

John Kitoka du Chadema appelle à poursuivre les manifestations « jusqu’à ce que nos demandes de réformes électorales soient satisfaites » et réclame l’intervention d’un « organisme crédible pour superviser une nouvelle élection« .

Masque Africamaat
Spécialiste de l'actualité d'Afrique Centrale, mais pas uniquement ! Et ne dédaigne pas travailler sur la culture et l'histoire de temps en temps.
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