Bénin, Michel Sodjinou et cinq collègues députés claquent la porte : Les Démocrates au bord de la rupture


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Yayi Boni
Yayi Boni

La démission de six députés, dont Michel Sodjinou, du groupe parlementaire Les Démocrates à l’Assemblée nationale, marque une nouvelle étape dans la crise interne qui secoue le principal parti d’opposition au Bénin. Cet épisode révèle les fractures profondes d’une formation politique dont les bases idéologiques, organisationnelles et stratégiques paraissaient, en réalité, déjà vacillantes depuis sa création.

Un colosse aux pieds d’argile ! Voilà comment il conviendrait de qualifier désormais le parti d’opposition, Les Démocrates, de l’ancien Président Boni Yayi au Bénin. Et là encore, il faut être suffisamment indulgent pour lui concéder un titre de colosse dont il n’a en réalité jamais rien eu. En réalité, le parti Les Démocrates n’avait jusqu’à il y a de cela quelques jours affiché qu’une unité de façade qui n’a évidemment pas su résister à l’épreuve de la candidature à la Présidentielle de 2026. Aujourd’hui encore, le parti confirme ses fractures internes avec la démission collective de six de ses représentants au Parlement.

Une hémorragie politique à l’Assemblée nationale

À l’ouverture de la deuxième session ordinaire de 2025, le Parlement béninois a été le théâtre d’un coup de tonnerre politique. Six députés du groupe parlementaire Les Démocrates (LD) ont annoncé leur démission, dont le très médiatisé Michel Sodjinou, élu dans la 19ᵉ circonscription électorale. À ses côtés, Constant Nahum, Denise Hounmènou, Chantal Adjovi, Leansou Do Rego et Joël Godonou ont également choisi de claquer la porte.

Les intéressés ont indiqué vouloir désormais siéger en tant que députés non-inscrits, conformément au règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Leur départ collectif, confirmé dans une atmosphère lourde à l’hémicycle, est un signal fort d’un malaise politique profond au sein du parti d’opposition dirigé par Dr Boni Yayi.

Un parti rongé par les divisions et les ambitions personnelles

Depuis plusieurs mois, les observateurs de la scène politique béninoise percevaient les signes d’une désunion croissante au sein de Les Démocrates. Entre querelles internes, manque de discipline et luttes de leadership, la cohésion du groupe n’a jamais réellement tenu.

Les tensions entre le bureau politique et certains députés ont souvent porté sur la ligne stratégique du parti vis-à-vis du pouvoir en place. Faut-il adopter une opposition frontale ou une posture plus conciliante ? Ce débat, jamais tranché, a fini par miner la confiance interne. Ce manque de confiance s’est publiquement révélé au monde au moment du retrait des fiches de parrainage à la CENA en septembre dernier. Le public avait vu des députés embarqués dans un bus aller retirer en groupe les fameuses fiches avant de revenir ensemble les remettre entre les mains du président du parti à leur siège. Cette précaution infantilisante est la meilleure illustration de la crise de confiance qui sévissait dans la formation politique. Malheureusement pour elle, même cette précaution n’aura pas suffi à garantir les 28 parrainages indispensables pour assurer une place au duo candidat du parti dans les starting-blocks. Tout ça pour ça !

La gestion centralisée du parti, souvent critiquée par les élus de certaines circonscriptions électorales, a également contribué à creuser le fossé entre la direction nationale et sa base parlementaire. Pour certains mécontents, Les Démocrates se sont transformés en un parti de personnalités, sans projet collectif, ni réelle vision de gouvernance alternative.

L’érosion de la crédibilité d’une opposition fragmentée

Créé dans un contexte de recomposition du paysage politique après les législatives de 2019 et la réforme du système partisan, Les Démocrates avaient suscité beaucoup d’espoirs. Porté par des figures issues de l’ancien camp de Boni Yayi, le parti se voulait le refuge de l’opposition démocratique et la principale force de contre-pouvoir face au régime Talon.

Avec ces six démissions qui interviennent après l’échec du parti à participer à la Présidentielle de 2026, le groupe parlementaire des Démocrates perd non seulement des sièges, mais surtout une part essentielle de sa crédibilité auprès de l’opinion publique. L’image d’un parti en reconstruction après les élections législatives de 2023 est désormais compromise.

Cette hémorragie affaiblit davantage l’opposition institutionnelle, déjà en manque d’unité et de stratégie concertée. Au lieu d’incarner une alternative crédible, Les Démocrates apparaissent aujourd’hui comme un conglomérat d’intérêts divergents, plus préoccupé par des ambitions personnelles que par une vision politique commune. Un sérieux handicap sur leur chemin à quelques mois des élections législatives pour lesquelles ils ont déposé leurs dossiers.

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Serge Ouitona, historien, journaliste et spécialiste des questions socio-politiques et économiques en Afrique subsaharienne.
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