
La montée alarmante des eaux du Nil continue de semer le chaos au Soudan. Dans l’État de Khartoum, particulièrement à Bahri (Khartoum-Nord), plus de 1 200 familles ont été forcées de fuir leurs habitations à cause d’importantes inondations, a rapporté l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Ce nouveau désastre naturel vient aggraver une situation humanitaire déjà catastrophique, dans un pays dévasté par la guerre civile depuis plus d’un an.
Les pluies torrentielles de ces dernières semaines ont provoqué la crue du Nil Bleu et du Nil Blanc, les deux principaux affluents du fleuve traversant le Soudan. À Bahri, ville stratégique située au nord de la capitale, les eaux ont envahi plusieurs quartiers résidentiels. Selon les données de l’OIM, au moins cinq habitations ont été totalement détruites, tandis que la majorité des autres ont subi des dommages considérables. Des centaines de familles, par crainte de nouvelles crues, ont quitté les lieux de manière préventive. Les déplacés ont été accueillis par des communautés locales voisines, malgré le manque cruel de ressources.
Un exode silencieux dans un pays en guerre
Depuis le début de la saison des pluies en juin, des inondations récurrentes touchent plusieurs régions du Soudan. D’après les statistiques officielles, plus de 125 000 personnes ont été affectées par les intempéries à travers le pays. Ces catastrophes naturelles surviennent dans un contexte dramatique. Le Soudan est en proie à une guerre meurtrière entre l’armée régulière et les Forces de soutien rapide (FSR) depuis avril 2023.
Le conflit, marqué par de violents affrontements urbains et ruraux, a déjà causé des milliers de morts et déplacé plus de 7 millions de personnes à l’intérieur et hors des frontières soudanaises. Chaque année, entre juin et octobre, le Soudan connaît une saison des pluies intense, mais les effets du changement climatique rendent ces épisodes météorologiques de plus en plus extrêmes et imprévisibles. Les crues sont plus violentes, les infrastructures plus vulnérables, et les mécanismes d’alerte ou d’évacuation quasi inexistants dans de nombreuses régions.
La solidarité communautaire pallie l’absence de l’État
Selon plusieurs experts humanitaires, les inondations de 2025 figurent parmi les plus destructrices de la dernière décennie. L’absence de gouvernance stable et la désorganisation du pays en guerre rendent toute réponse d’urgence particulièrement difficile. Face à l’inaction des autorités centrales, la solidarité locale s’organise tant bien que mal. Les familles déplacées à Bahri ont trouvé refuge dans des maisons d’accueil improvisées, des écoles ou des mosquées. Des ONG locales tentent de distribuer vivres et couvertures, mais les ressources manquent cruellement.
L’OIM et d’autres agences de l’ONU appellent à une mobilisation internationale urgente. Elles insistent sur la nécessité de fournir non seulement une aide immédiate (abris, nourriture, soins), mais aussi un soutien à plus long terme pour reconstruire les zones sinistrées et renforcer la résilience des communautés face aux chocs climatiques.
Des conséquences à long terme pour les populations vulnérables
Les inondations n’entraînent pas uniquement des pertes matérielles. Elles augmentent également les risques sanitaires, notamment la propagation de maladies hydriques comme le choléra, très répandues dans les camps de déplacés. Les systèmes de santé, déjà très fragilisés par le conflit, sont incapables de faire face à une telle pression. De plus, les inondations affectent les récoltes et les marchés locaux, provoquant une hausse des prix des denrées alimentaires et aggravant l’insécurité alimentaire pour des millions de Soudanais.
Alors que l’attention médiatique mondiale se concentre sur d’autres conflits, la crise soudanaise reste largement ignorée. Pourtant, entre la guerre civile, les déplacements massifs, et maintenant les catastrophes climatiques, le pays est au bord de l’effondrement humanitaire. Les Nations Unies et plusieurs ONG internationales ont réitéré leurs appels à la communauté internationale pour financer les opérations d’aide. Selon le dernier rapport de l’OCHA (Bureau de la coordination des affaires humanitaires), moins de 30% des fonds nécessaires pour 2025 ont été reçus.