
Le président Salva Kiir a brutalement écarté son vice-président Benjamin Bol Mel, considéré comme son successeur naturel. Cette décision met fin à une ascension politique fulgurante stoppée par une série de décrets lus à la télévision nationale. Le limogeage s’inscrit dans une vague de purges qui secoue le sommet de l’État sud-soudanais.
Il révèle un climat de méfiance, de rivalités internes et d’instabilité croissante au sein du pouvoir.
Chute inattendue d’un favori
La nouvelle est tombée comme un couperet. Benjamin Bol Mel occupait depuis février le poste de deuxième vice-président chargé du pôle économique. Salva Kiir l’a révoqué de toutes ses fonctions. Il l’a aussi écarté de son rôle de numéro deux du SPLM, fonction qu’il détenait depuis mai.
Le président ne s’est pas arrêté là. L’homme d’affaires, promu général en septembre, perd à présent tous ses grades. Il redevient simple soldat au sein du Service national de sécurité. Dans son décret, Salva Kiir se contente d’affirmer qu’il « relève par la présente Son Excellence Benjamin Bol Mel de ses fonctions ». Aucun successeur n’a été annoncé.
Un contexte de purges et de rumeurs
La raison officielle de cette chute brutale reste floue. Des médias locaux et plusieurs observateurs évoquent pourtant de fortes luttes de pouvoir au sommet de l’État. Selon Sudans Post, Benjamin Bol Mel aurait suscité des soupçons en tentant d’affaiblir l’autorité du président Kiir, âgé de 74 ans et dont la santé inquiète régulièrement les analystes.
Cette purge dépasse le seul cas Bol Mel. Paul Logale, secrétaire général du SPLM, a lui aussi été écarté. Les dirigeants de la Banque du Soudan du Sud et de l’Autorité fiscale ont subi le même sort. Ces décisions interviennent alors que le bureau de Bol Mel venait de démentir des rumeurs circulant en ligne sur une prétendue assignation à résidence, une information que l’AFP n’avait pas pu confirmer.
Corruption et instabilité en toile de fond
Le passage de Benjamin Bol Mel au pôle économique était déjà marqué par de lourdes accusations. Plusieurs organisations l’avaient mis en cause pour corruption et détournement de fonds publics. Les États-Unis l’avaient sanctionné en 2017. En septembre, un rapport de l’ONU l’accusait encore d’utiliser ses entreprises pour siphonner les revenus pétroliers au profit de hauts responsables du régime.
Ce limogeage survient dans un climat politique et sécuritaire extrêmement tendu. Le Soudan du Sud, plus jeune État du monde, reste ravagé par des violences politico-communautaires depuis son indépendance en 2011. L’inculpation récente de Riek Machar pour « crimes contre l’humanité » relance les craintes d’un nouveau conflit armé. La dernière guerre civile, achevée il y a moins de sept ans, avait causé la mort d’au moins 400 000 personnes. L’éviction de celui que beaucoup voyaient comme le dauphin de Salva Kiir ne fait qu’alimenter l’incertitude autour de l’avenir politique du pays.





