
Le Soudan du Sud traverse l’une des crises politiques les plus graves de son histoire récente. Dans la nuit, Deng Lual Wol, figure centrale du ministère du Pétrole, a été placé en résidence surveillée. Les révélations sur la disparition de 700 millions de dollars de revenus pétroliers se doublent désormais de la découverte de deux lettres signées par Wol demandant 2,5 milliards de dollars d’avances secrètes sur le brut national. Une tentative de détournement impliquant Wol, Benjamin Bol Mel et un intermédiaire basé à Addis-Abeba aurait précipité cette purge sans précédent.
Un système de prédation qui s’effondre
Depuis 48 heures, les fondations du système pétrolier sud-soudanais vacillent. Mercredi soir, le président Salva Kiir a limogé Benjamin Bol Mel, vice-président et homme fort de l’économie, le gouverneur de la Banque centrale ainsi que le chef de l’Autorité fiscale, officiellement pour « manquements graves ».
Une formulation qui masque mal l’onde de choc provoquée par les révélations sur la disparition de 700 millions de dollars de revenus pétroliers entre 2024 et 2025. Mais c’est la nuit suivante qui a marqué une véritable rupture dans le système.
Deng Lual Wol arrêté après la découverte de documents explosifs
Dans la soirée, plusieurs véhicules de la NSS (National Security Service) ont encerclé la résidence de Deng Lual Wol, tout juste réinstallé comme sous-secrétaire au Pétrole. Selon plusieurs sources concordantes, il a été placé en résidence surveillée et interrogé dès l’aube dans une unité sécurisée.
Ce coup de théâtre intervient après la diffusion de deux lettres officielles, signées par Wol les 27 et 31 octobre 2025, adressées à ONGC Nile Ganga B.V. et CNODC/CNPC. Dans ces documents, Wol demande d’abord 1 milliard de dollars d’avance contre des droits pétroliers, puis 1,5 milliard supplémentaire, soit un total de 2,5 milliards de dollars d’avances pétrolières sur 54 mois.


Ces opérations n’étaient ni passées par la Banque centrale, ni intégrées au budget, ni validées par décret présidentiel. Elles constituent le cœur d’un scandale encore plus vaste que les 700 millions révélés initialement.
Un trio visait 300 millions de dollars
Selon une source sécuritaire impliquée dans les arrestations nocturnes, un réseau composé de Deng Lual Wol, Benjamin Bol Mel et d’un intermédiaire basé à Addis-Abeba préparait le détournement d’au moins 300 millions de dollars issus d’un premier versement attendu début novembre.
Ces fonds devaient transiter par des comptes offshore aux Émirats et à Singapour, dans un schéma déjà observé lors d’affaires antérieures impliquant les groupes EuroAmerica, Chiangwei Group et Wellbred. Cette tentative aurait été l’élément déclencheur immédiat de la purge.
Un ministère du Pétrole sous haute surveillance
Ce matin, le ministère du Pétrole est encerclé par des unités de sécurité. Plusieurs cadres ne se sont pas présentés au travail, d’autres ont tenté de fuir le pays dans la nuit. Des sources internes décrivent des scènes de panique : ordinateurs saisis, documents emportés en urgence, réunions à huis clos.
La peur de nouvelles arrestations plane sur l’administration. Une cellule spéciale d’enquête, potentiellement avec supervision étrangère, serait en cours de formation.
Un pays exsangue face à la crise humanitaire
Il faut rappeler que pendant que des milliards disparaissaient, 7 millions de Sud-Soudanais survivaient dans l’insécurité alimentaire. Le Panel d’experts de l’ONU rappelait déjà en 2024 que la corruption dans le secteur pétrolier privait le pays de sa principale ressource.
Selon plusieurs diplomates à Juba, la chute de Deng Lual Wol pourrait n’être que le premier domino d’une restructuration forcée du régime. Salva Kiir, jusque-là protecteur du système pétrolier opaque, se trouve désormais sous une triple pression : Washington menace de sanctions, les partenaires régionaux s’impatientent, et la panique gagne son propre camp.
« Ce n’est plus un scandale. C’est un séisme », résume un haut fonctionnaire joint ce matin. Le Soudan du Sud n’a peut-être jamais été aussi proche d’une remise à plat totale de son économie petroliere.



