Procès Machar : à Juba, un tournant décisif pour le Soudan du Sud


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Riek Machar et Salva Kiir
Salva Kiir (à droite) et Riek Machar (à gauche)

L’ex-vice-président Sud-soudanais, accusé de crimes contre l’humanité aux côtés de cadres du SPLM-IO, dénonce une manœuvre politique visant à l’écarter. Entre quête de justice et règlement de comptes, ce procès pourrait sceller l’avenir d’un pays toujours hanté par le spectre de la guerre civile.

À Juba, capitale du Soudan du Sud, l’ancien premier vice-président Riek Machar fait ce 22 septembre 2025 sa première apparition publique depuis six mois. Placé en résidence surveillée depuis mars, il comparaît devant un tribunal spécial aux côtés de sept cadres de son parti, le SPLM-IO, accusés d’avoir organisé une attaque meurtrière contre l’armée gouvernementale. Ce procès, inédit par son ampleur, pourrait redessiner le paysage politique d’un pays encore marqué par des années de guerre civile.

Une attaque sanglante au cœur des accusations

L’accusation reproche à Machar et à ses coaccusés d’avoir coordonné, avec le soutien présumé de l’« Armée blanche », une série d’attaques dans la ville de Nasir, dans l’État du Haut-Nil. Les affrontements avaient coûté la vie à un général, à plus de 250 soldats loyaux au président Salva Kiir et à un pilote des Nations unies. Depuis, Machar est poursuivi pour « crimes contre l’humanité », « meurtre », « terrorisme », « trahison » et « conspiration ».
Pour le gouvernement, il s’agit de mettre fin à l’impunité des responsables d’exactions répétées qui fragilisent la paix. Mais pour les soutiens de l’opposant, ce procès ne serait qu’un instrument politique visant à l’écarter définitivement de la scène nationale.

Le nom de Riek Machar est indissociable de l’histoire récente du Soudan du Sud. Ancien allié devenu rival du président Salva Kiir, il avait pris les armes en 2013, déclenchant une guerre civile qui a causé la mort de plus de 400 000 personnes. L’accord de paix signé en 2018 avait permis un retour relatif au calme et son intégration au gouvernement en 2020.
Mais les tensions n’ont jamais disparu. Sa mise à l’écart par décret présidentiel, suivie de son inculpation, intervient alors que des affrontements persistent dans le Haut-Nil et que la confiance entre les deux camps reste fragile. Ses partisans dénoncent une violation flagrante de l’accord de paix de 2018 et craignent un retour aux violences généralisées.

La défense contre-attaque

L’avocat de Machar, Me Kur Lual Kur, affirme que son client « est en bonne santé » et « prêt à se défendre ». Selon lui, « les accusations sont montées de toutes pièces » pour neutraliser un rival encombrant. Il assure que le procès sera l’occasion de mettre en lumière les manœuvres du pouvoir et de rétablir la vérité.

Cette ligne de défense s’appuie sur le fait que plusieurs responsables du SPLM-IO, aujourd’hui coaccusés, faisaient partie intégrante du gouvernement d’union nationale avant leur suspension. Pour l’opposition, c’est la preuve que l’affaire vise davantage à briser un équilibre fragile qu’à rendre justice.

À travers ce procès, c’est bien plus que le sort d’un homme qui se joue. L’issue déterminera la capacité du Soudan du Sud à poursuivre son processus de réconciliation ou, au contraire, à replonger dans une spirale de méfiance et de violence.

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Fidèle K est journaliste et rédactrice spécialisée, passionné par l'Afrique et ses dynamiques politiques, culturelles et sociales. A travers ses articles pour Afrik, elle met en lumière les enjeux et les réalités du continent avec précision et engagement.
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